80 - En avant la musique !
Par Jacques Favier le dimanche, décembre 13 2020, 18:15 - Identité de Sérifontaine - Lien permanent
Une photographie ancienne qui vient tout juste de m'être prêtée, et qui n'avait donc pu être publiée dans mon livre en 2010, m'amène à revenir sur une activité longtemps florissante à Sérifontaine : la musique, ou pour employer le grand mot du temps, la fanfare.
La voici donc, ici, photographiée par la maison Laverdure à Gisors, sinon en 1895, du moins avec une bannière rappelant l'année de sa création.
La première fanfare, toutefois, avait été celle de l’Usine Saint-Victor, créée dès 1878, et qui ornait la couverture de mon ouvrage. Un tirage original est conservé par une vieille famille sérifontainoise qui me l'avait prêté à l'époque. Il était minuscule, et passablement pâli par le temps. Ce que je montre ici (ci-dessous) relève donc un peu de la magie contemporaine, le pinceau électronique gommant bien des choses, et la carte graphique de l'ordinateur faisant tout ce qui est utile pour raviver un peu. Encore une preuve que la technologie est aussi au service de la mémoire !
Comme la fanfare elle-même, cette photographie me semble être plus ancienne que celle de la « Fanfare Libre ». Je n'ai cependant de date exacte du cliché ni pour l'une ni pour l'autre. Néanmoins on peut avancer que celle-ci daterait de 1890 environ.
En effet, sur la photo de la fanfare de l'usine, on retrouverait un personnage remarquable que les collectionneurs de cartes postales anciennes connaissent déjà, parce qu’il apparait sur nombre d’entre elles : c’est, d'après sa lointaine descendante, Albert Letel, fils de Ferdinand Letel cet ancien combattant des guerres de Napoléon III qui avait obtenu la licence du bureau de tabac face à l’église. Né en mai 1884, son fils Albert serait l'enfant au centre, devant la bannière.
Créée, comme déjà dit en 1895 et dirigée par Désiré Dubus, la « Fanfare Libre » de Sérifontaine s'inscrivait très probablement dans les tentatives de la municipalité de s'affirmer face à la toute puissante usine Saint-Victor. Rappelons que c'est à l'usine que l'on dut la première équipe sportive, mais aussi, dût Jules Ferry se retourner dans sa tombe, la première école non confessionnelle.
Cette fanfare présidait à tous les défilés, processions ou manifestations municipales, et comptait 26 membres. Sa présence dans les rues était très fréquente.
En 1905 elle était dirigée par M. Rainville. Après la guerre, la Philharmonique comme on l’appella ensuite, rehaussait aussi les soirées théâtrales organisées par les habitants. On la voit ci-dessous vers 1926-1928. Le 6ème au second rang à gauche est Albert Letel… qui tient alors le café en face de l’église. Il entra ensuite chez Kriegelstein où il finit facteur de pianos. Membre de la fanfare, c’est souvent lui qui s’occupait de la musique pour les fêtes entre les deux guerres.
Naturellement la fanfare tint sa place en 1928, dans la fameuse Cavalcade qui eut lieu alors. Elle le fit sur un char.
On la voit aussi dans un petit bout de film tournée le 14 juillet 1936 (attention, il s'agit d'un film muet que j'ai remis en musique).
D'autre part, une salle des fêtes connue sous le nom de Casino avait existé jusqu'à la première guerre à l'emplacement de l'actuel parking sur la rue P.-E. Boyer, face au parc.
Le nouveau Casino se situa à gauche de la boulangerie rue Hacque, qui était à l'époque l'Hôtel de l'Ouest. On y donna dans l'entre deux guerres des soirées de cinéma et des bals : le film était projeté lors d’une unique séance. Il y avait des petits bals, sans alcool, où l’on dansait la musette, la java, le tango, quelques slows. Au Casino, la saison commençait avec la fête de Sérifontaine en octobre, puis la Sainte Catherine , Saint Nicolas, Sainte Cécile, Saint Eloi, le bal des conscrits, les bals masqués du mardi gras ou de la mi-carême, où chacun s’ingéniait à se travestir.
Cette tradition musicale populaire revécut après la seconde guerre, avec la reprise des fêtes au Casino et le retour de la fanfare sous le nom de Clique.
Une école de musique avait été créée en 1920. La fanfare et la section des anciens prisonniers de guerre organisèrent un bal avec les sœurs Mafalda et Yolande Tonini en 1952.
La famille Tonini exerça en effet une grande influence sur l’engouement de tous, petits et grands, pour la musique populaire. Au casino, ou à l’école de musique, Sérifontaine connut aussi l’âge d’or de l’accordéon. On voit ici la petite troupe dirigée par Mafalda lors d’un défilé de chars.
Longtemps, la présence du piano ne fut pas, non plus, sans effet sur Sérifontaine : M. Kriegelstein prêtait des pianos sans trop de difficulté, notamment pour les fêtes. A Sérifontaine, Madame Sauvalle jouait du piano et donnait des petits cours ou des petits concerts. A la fin des années 1950 et au début des années 1960, Monsieur Beaucousin venait donner des cours de musique à Sérifontaine dans un local situé dans l’impasse en face la poste.
Si durant le confinement, les gisorsiens purent découvrir sur Facebook les talents d'accordéonistes de leur conseiller municipal Anthony Auger, lui-même rappelait ce qu'il devait au fait d'avoir été élevé dans une commune où les cours de musique et même le prêt d'instrument étaient gratuits.
Son professeur de musique, à Sérifontaine, s'appelait Michel Janvier et c'était lui-même... un élève de Mafalda Tonini, dont on conserve le sourire sur cette photographie !
Commentaires
Étant sérifontainois rapporté depuis 1992, j'imagine que revivre à travers tous ces documents ces différentes tranches de vie constitue des événements marquants pour les anciens de notre commune, ces souvenirs leur apportant sans doute beaucoup d'émotion et de nostalgie. Mais malheureusement ce n'est que pour celles et ceux qui disposent de l'outil informatique ! Comme il a été fait une fois, où l'on a présenté un film sur les moissons dans la salle des fêtes (à l'initiative de notre ancien Maire) ne pourrait t'on pas, avec les services culturels de la mairie, projeter sur écran lors d'une soirée ce patrimoine communal qui est le leur ?
Bernard Bouffart
C'est une idée. Mais une autre idée serait que, par plaisir et non par simple contrainte, un nombre croissant de nos concitoyens s'accoutument à l'idée que l'espace numérique leur appartient. Ils râlent (à raison!) quand on restreint leur liberté de circuler : circuler sur la toile reste une liberté, un plaisir et une source de découvertes. JF
Joli billet, peut-être que l'école de musique faisait aussi des chants de Noël en cette période de l'année (ou alors c'est une tradition plus anglo-saxonne; ou réservée aux enfants de choeur de l'église !) ?
Th.F
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Je ne sais pas, mais si l'un de mes lecteurs en sait davantage...
JF