57 - Une course cycliste
Par Jacques Favier le samedi, juillet 22 2017, 12:09 - Identité de Sérifontaine - Lien permanent
Je publie la seconde partie du film venant de Victor Musnier. C'est moi qui ai, en réalité, séparé les deux séquences. Compte tenu des petits drapeaux tricolores ornant les maisons, il me semble très probable que cette seconde séquence ait été tournée le même jour, et que la course cycliste que nous pouvons voir huit décennies plus tard se soit déroulée dans l'après-midi du 14 juillet 1936, ou peu après.
Ce film me donne aussi l'occasion de parler d'une invention qui a radicalement changé la vie de nos anciens : la petite reine !
Vélocypède (le mot date de 1818) ou bicyclette (ce mot là apparait un demi-siècle plus tard) cette invention est une révolution. Avant de célébrer ce qu'elle a apporté, rappelons quand même ce qu'elle a détruit : les « veillées » qui disparurent dans les campagnes de l’Oise, comme les distractions villageoises, feux de la Saint Jean etc ... la bicyclette permettait aux hommes et surtout aux jeunes d'atteindre le café le plus proche. A Sérifontaine, où l'on trouvait de nombreux cafés, et quelques mécaniciens, le vélo apporte donc une attractivité nouvelle.
Dans les années 20, le marchand de vélo est situé rue Jean Boyer juste après le boucher (aujourd’hui l’épicerie solidaire) et un café. C’est M. Gail, coureur cycliste lui-même et dont le grand titre de gloire est d’avoir fait le service militaire avec Charles Trenet.
En fait le vélo, avant d'être la "petite reine" de 36, aide le développement de l'usine ! Dans son étude de 1908 Louis Passy livre une rapide description de l’usine, et il note bien que « la plupart des ouvriers se rendent à l'usine à bicyclette ; ce qui leur permet de venir d'assez loin, et c'est pourquoi l'on y trouve beaucoup d'habitants de l'Eure et principalement des communes de Bazincourt, Saint-Denis, Hébécourt, Mainneville, Mesnil-sous-Vienne, Amécourt, voire même de Gisors».
Bien sûr le vélo n'est pas réservé aux ouvriers: les cartes postales d'avant 1914 montrent les fonctionnaires comme le postier poussant son vélo dans nos rues. Encore en juin 1942 on voit le Conseil municipal s'occuper (à défaut d'autre chose ?) du remplacement du pneu du vélo du garde champêtre.
Mais l'année 36 marque le vrai moment où la petite reine devient un symbole. Le congés payés marquent un changement de civilisation (leurs adversaires ne s'y trompent pas, il faut leur reconnaître cela!) et la bicyclette est un bel instrument pour ce que l'on appellera plus tard changer la vie.
Le film qui comme je l'ai dit a sans doute été tourné le 14 juillet 1936 a donc été tourné à ce moment précis où la bicyclette assume cette dimension politique.
Une génération plus tard, le Tour de France passant par la N15 traverse Sérifontaine le dimanche 29 juin 1958. Le peloton avec Bahamontès, Anquetil, Walkowiak et Charly Gaul, vainqueur de ce tour, arrivait de Gournay suivi de la caravane avec Yvette Horner. Cette photo a été prise à la hauteur du garage-station Fina créée après guerre par M. Duhamel.
Dans les années 60, le marchand de vélo est toujours rue Jean Boyer : la boucherie est alors tenue par M. Colombel, le bazar des demoiselles Bracon a remplacé le café, et le réparateur de vélo se trouve à l'emplacement de l'actuel salon de coiffure. Sa femme, Annette, est aussi sage-femme et bien des sérifontainois d'aujourd'hui sont nés dans ses mains. Ensuite il y aura un commerce de vélo au bout de la rue Hacque, tenu par Alfredo-Pinto Texeira.
Curieusement ce petit commerce sympathique, malheureusement fermé depuis des années maintenant, est toujours visible sur les images en ligne de Google. Je me suis empressé d'en faire une copie, pour la mémoire de Sérifontaine ! En attendant qu'un tel commerce ne réapparaisse un jour ?