93 - Dans le pétrin
Par Jacques Favier le lundi, décembre 12 2022, 15:38 - Actualités de Sérifontaine - Lien permanent
(article mis à jour le 9 janvier 2023)
Avec l'église, le vieux château et la Mairie, la boulangerie de notre bourg compte parmi ses plus anciennes institutions. Avant même l'inauguration de la Mairie actuelle, on la distingue en 1831 sur notre premier cadastre, déjà placée là où elle se trouve toujours : en bas de la rue du Four (qui fut le four banal de nos seigneurs de jadis) devant un dépôt de grain et en face de la rue du Moulin (lui aussi banal) où se trouvait au début du 19ème siècle le dépôt de grain de M. Saint-Ouen.
Elle fait partie de ce patrimoine commun
que ce blog tente de valoriser et de l'âme de notre bourg, quand bien même chacun de nous achète à l'occasion du pain à Gisors ou dans le Carrefour qui rend par ailleurs tant de services à tous. Or ce commerce est fragile et plusieurs catastrophes ont attiré mon attention sur lui.
J'ai donc pensé que nous devions aider notre boulangerie et ce blog a donné quelques jours avant Noël, l'adresse de la cagnotte à laquelle j'ai proposé à mes lecteurs de participer. Je dois dire que la collecte a atteint la fourchette haute de mes espérances. On verra en bas d'article les reportages que deux chaînes de télévision ont consacré à cette démarche, et plusieurs messages de sympathie recueillis.
Elle a peu changé d'aspect, notre boulangerie, depuis qu'il en existe des photographies. A part les quelques modifications (déjà anciennes) de sa façade, ce qui a changé au cours du 20ème siècle, c'est la disparition du lavoir et la canalisation du ru, en 1925.
La dramatique noyade du fils du boulanger avait ému les gens et amené ce profond changement des habitudes, puisque jusque-là on voyait encore paître les bêtes au milieu de la rue de Gisors. Cela devait faire plus que du désordre et je ne crois pas qu'il en existe une photographie sauf celle où l'on voit un petit âne et sa citerne. Les photographes du temps préféraient y faire figurer les jeunes beautés du lieu !
Encore quelques années et les automobiles auraient de toutes façons chassé chevaux, ânes et boeufs.
Les voitures ont envahi les lieux, changé la vie (pour le mieux, au début) et emmené les clients jusqu'au loin.
Mais la boulangerie a tenu le coup quand tant d'autres commerces ont disparu. Elle apparaît même dans un tableau du peintre hollandais Koolhaas toute petite au pied de notre monument historique.
Sa présence ici au cœur de notre village n'est cependant pas garantie pour toujours et peut-être devrions-nous y penser avant qu'elle ne disparaisse et ne rejoigne le Casino, l'Hotel de l'Ouest, le Relais Fleuri et tant de lieux qui comptèrent dans la vie de nos prédécesseurs et qui un jour se transforment en habitation dont les propriétaires finissent par ignorer l'histoire ?
Comme je l'ai dit, trois articles de presse successifs à son sujet nous ont alertés en fin d'année 2022 :
- l'inflation des charges qui a creusé un trou que la vente du pain à prix presque constant ne compensera pas de sitôt.
- un premier cambriolage dans la nuit du 24 novembre.
- un second cambriolage huit jours plus tard.
À mi-décembre, la radio parlait d'une boulangerie fermant pour de pareilles raisons, quelque part du côté de Pontarlier, dans un village que personne ne connaît. Et ça passait à la radio, parce que soudain les gens se rendaient compte que ça les concerne. En tapant sur Internet je découvris que c'était un phénomène national depuis plusieurs semaines.
Bien sûr on a pu entendre un ministre nous annoncer avec des phrases ronflantes des mesures d'aides qui n'arriveront jamais et un autre parler avec des trémolos de la défense de notre identité, de nos territoires etc. La baguette ne vient-elle pas d'être classée au patrimoine mondial de l'Unesco, ce qui est aussi glorieux que parfaitement inutile ?
Dans certains départements, des initiatives de maires ruraux ont déjà eu lieu : elles consistent surtout à interpeler l'État. La présidente du département de l'Oise avait écrit fin novembre à la ministre Olivia Grégoire, qui à mi-janvier n'a toujours pas répondu. La même ministre a expliqué à la télévision qu'elle avait appelé, écouté et aidé une boulangère de Sarlat : mais celle-ci dit clairement qu'il n'en a rien été. Bref, on cause, on s'invective et on ment...
Ici, dans notre petit coin un peu oublié des dieux, la Municipalité n'a pas d'argent et la compétence pour aider les commerces ne lui appartient d'ailleurs pas à elle mais à la Région : les règles sont nombreuses, contradictoires, et les conditions sévères. Sur les réseaux sociaux beaucoup de gens ne font que parler des mérites fort discutables de la vidéo-surveillance, ce qui est une façon de dire y a qu'à
quand il faudrait plutôt dire faut qu'on
.
Une cagnotte permettra, par exemple, de blinder la porte de la boulangerie. Parce qu'une bonne taule d'acier sera toujours plus utile qu'une inutile controverse.
Et discrètement cette cagnotte a d'ores et déjà permis de dire à la boulangère et au boulanger que nous tenions à eux. Je remercie du fond du coeur les donateurs sérifontainois, voisins, lointains (Manche, Aude, Charente, Gironde, Alsace etc) et même étrangers (Suisse et Angleterre !) et les médias locaux puis nationaux qui ont si efficacement relayé mon initiative et permis tout cela.
DANS LES MÉDIAS
LE REPORTAGE DU JT DU 26 DÉCEMBRE 2022 DE FRANCE 3 PICARDIE
LE REPORTAGE DU JT DU 3 JANVIER 2023 DE FRANCE 2 "13 HEURES"
MESSAGES DE SYMPATHIE
On peut lire ici une trentaine de messages laissés par certains des plus de cent donateurs.
Commentaires
Bonjour M. Favier,
La "tôle" d'acier serait plus judicieuse pour blinder la porte de la boulangerie, ...qui n'a absolument rien de rien à voir avec une
" taule"...bien au contraire...L'univers carcéral serait probablement plus adapté au voleur de caisses..
Quant à la cagnotte en ligne, elle n'a rien d'avoir pris "une taule", et connait un succès par delà les frontières. Le but des 5000 € n'est plus très loin, encore un effort citoyens de Sérifontaine !