5- Nos "Grognards"
Par Jacques Favier le samedi, août 18 2012, 17:57 - Curiosités, érudition - Lien permanent
L’Eclaireur a consacré un bel article (cliquez sur l’annexe) à l’un des nos amis et à sa passion des figurines militaires napoléoniennes : Bernard Bouffart, un grognard de plomb .
Aujourd’hui, il n’est pas forcément bien vu d’aimer Napoléon : il faut se justifier sur des questions que l’on ne se posait pas quand Bernard Bouffart ou moi étions gamins. Parmi les lecteurs de ce blog, il y en a sûrement que le culte de l’homme au petit chapeau indiffère ou révulse. Sur Napoléon on a peut-être écrit un livre par jour depuis sa naissance, mais cela n’empêche point ceux qui ne lisent guère de dire des bêtises ou de proférer des jugements anachroniques et désinvoltes.
J’ai mon opinion, forgée par des lectures nombreuses. J’avoue que le dieu de la guerre m’impressionne moins que le politique profond qui disait « Je ne gouverne pas parce que je suis un général, mais parce que la Nation croit que j'ai les qualités civiles nécessaires pour gouverner ». Mais il y a quelque chose de généreux à aimer la gloire d’antan, et quelque chose de pingre et de coincé qui m’inquiète chez ceux qui pinaillent cette gloire. Plus profondément (car je sais bien que certains vont extrapoler mes dires) j’ai observé qu’à son époque l’immense majorité de ceux qui ont détesté l’empereur étaient viscéralement hostiles à l’égalité civile, à la souveraineté nationale, aux acquis et aux principes de la Révolution.
Et à Sérifontaine ? J’attends quelques commentaires, bien sûr, mais d’abord je vais dire ce qu’il en fut alors. Bonaparte a dû passer chez nous en trombe, avec Joséphine, le 12 novembre 1802, venant de Dieppe, Forges et Gournay et se rendant à Gisors où il visita la filature Morris. Cela n’a pas laissé de trace. Deux ans plus tard, pour célébrer son couronnement, les maires furent invités à organiser des célébrations. Celui de Sérifontaine était alors… l’abbé Jerosme, qui se contenta d’offrir un festin pour les pauvres, et le servit lui-même avec son Conseil municipal. Il démissionna en 1812, sans doute mal à l’aise avec l’évolution du régime.
Pour le reste, il est malaisé de mesurer les sentiments. Le prénom de Napoléon est donné en deuxième prénom à un fils Fleury en 1806, en premier prénom au fils du berger Fontaine en 1807, en troisième prénom à un fils du tonnelier Henry en 1810, en deuxième prénom à un fils du journalier Tellier en 1811, en premier prénom à un fils Raban en 1812. Soit environ 5% des garçons nés sur la période, et plutôt dans la classe modeste. Je ne crois pas que nous ayons eu de vieux vétérans de la Grande Armée pour animer les veillées, comme Lignet, qui servit d’Austerlitz à Waterloo et dont on voit encore la tombe au Vaumain ou Exquerat d’Eragny, qui servit de 1792 à 1815.
Sérifontaine accueillit pourtant un brave de la Grande Armée, mais jeune encore et entreprenant, et qui pesa sur le destin du pays : Charles-Marie d’Arlincourt, quoique fils et petit fils de guillotinés, s’était rallié tout jeune à Napoléon. Garde d’honneur de l’empereur en 1806, capitaine en 1809, commandant de la gendarmerie de la garde à Moscou en 1812, il est fait colonel des cuirassiers de la garde en mars 1813. Ceci lui donne le droit de porter le titre de général. Baron en 1814 à 27 ans il conservera jusqu’à la fin de ses jours ses deux titres impériaux, et une désinvolture toute militaire lorsque, à partir de 1830 il achète une partie de l’ancien domaine seigneurial et se lance chez nous dans le laminage sans s’encombrer de formalités vis-à-vis du préfet, des voisins ou des habitants. Comme le héros de sa jeunesse il appliquait la règle, « Je fonce, et après, je vois ».
Commentaires
Concernant Napoléon je suis peut-être de parti pris... mais je regrette que l'on ne retienne de lui que ses batailles et la mort de nombreux de ses soldats, bien que les survivants aient continué de le vénérer même après sa mort.
Alors pourquoi ? Les batailles de la Révolution et de l'Empire, de 1792 à1815, ont fait entre 400 et 500.000 tués, beaucoup moins que les généraux de la 1ère guerre mondiale qui n'étaient pas avares de vies humaines.
Si je suis attaché aux uniformes, au panache, à la gloire du premier Empire ce sont aussi les valeurs, les acquis de la révolution, les promotions au mérite que je lui reconnais, pour les avoir transmis aux autres peuples, comme le Code Civil repris par toute l'Europe. L'un des plus grands capitaines de tous les temps a aussi été un administateur et un travailleur infatigable qui a remodelé notre pays affaibli par notre révolution ; il a rétabli la paix religieuse, la paix civile avec les émigrés, il a réorganisé l'administration, la fiscalité, les finances, l'économie...
Il y a tant à écrire et à dire sur lui que plus de 10.000 livres publiés n'ont pas suffi pour décrire ce personnage hors du commun ; alors tant pis pour ses détracteurs . C'est après Jésus Christ le personnage le plus connu dans le monde.
J'ajoute que notre famille descend d'un de ses grognards qui l'ont suivi mais là ma passion m'emporte ...
Mais ne vous justifiez donc pas!
Savez-vous qui a écrit : "Que Bonaparte soit un grand homme, et comme il n’y a pas un second en Europe dans tous les sens, guerrier, militaire, politique, je défie même un ennemi de le nier. Ce sera le plus grand homme de notre siècle" . C'est la reine Marie-Caroline de Naples... qui le haïssait!
Et celui qui a écrit "Monté au trône, il y fit asseoir le peuple avec lui, roi prolétaire, il humilia les rois et les nobles dans ses antichambres ; il nivela les rangs, non en les abaissant, mais en les élevant : le niveau descendant aurait charmé davantage l’envie plébéienne, le niveau ascendant a plus flatté son orgueil", c'est Chateaubriand, qui ne l'aimait guère.
Tenez, puisque vous intervenez auprès des jeunes élèves, voici l'une des représentations (de Bonaparte et de Napoléon à la fois, c'est rare!) qui me touche le plus:
C'est en effet une trés belle image de projection, mais elle illustre également sa passion dévorante pour les livres qu'il emportait partout avec lui.
Il avait une grande soif de savoir, avec des lectures trés éclectiques : poésies, mathématiques, sciences ...
Quand j'interviens en classe de CM2, je raconte aux élèves que Napoléon, né en 1769, avait appris à parler et à lire en italien sa langue maternelle, puisque la Corse n'avait été rachetée aux Gênois qu'en 1768. Et quand il s'est retouvé à l'école de Brienne ses camarades de classe l'avaient surnommé la paille au nez en raison de son accent car lorsqu'il déclinait son prénom, il le pronomçait : Napolioné
BB
Sa mère l'appelait encore Nabulione aux Tuileries!
JF