Le cimetière, page d'histoire
le 5 décembre 2012
Depuis mon billet ci dessous, il semble que la Municipalité ait entrepris de recenser. De mon côté j'ai été contacté par plusieurs personnes qui s'inquiétaient pour les tombes de leurs familles. Je vous attache ici la liste des concessions expirées : chacun peut connaître quelqu'un que cela concerne.
En revanche je ne crois pas avoir été entendu au sujet des enfants de
Sérifontaine morts pour la France. On trouvera ici la Note d'Information émise par le
Souvenir Français.
le 2 juillet 2012
Cela fait plusieurs fois que l’Eclaireur nous parle du cimetière de
Sérifontaine.
Il ya quelques mois c’était pour annoncer la création d’un « jardin du
souvenir » que je n’avais même pas trouvé. C’est que, comme historien un
peu chercheur, j’aime à parcourir les allées, à scruter les noms les plus
effacés. Il y a quelques jours le même journal nous rapportait ce qui venait
d’être dit au Conseil Municipal du 15 juin. On lira cet article que j’accroche
en pièce annexée. C’est assez sinistre !
On voudrait se moquer de Sérifontaine, colporter des idées reçues sur les vieilles habitudes de laisser payer la Mairie, l’Usine, ou Dieu sait qui, que l’on ne s’y prendrait pas autrement… C'est même à se demander si le titre les arriérés du cimetière n'est pas ironique.
Mais dans les allées du cimetière, le visiteur – qui ignore les histoires d’impayés et ne soupçonne pas la présence en ces lieux de passagers clandestins- que voit-il ? des tombes toutes récentes, souvent assez grandes, ornées, couvertes d'émouvantes protestations : nous ne t’oublierons jamais!, des tombes plus anciennes, souvent moins ornées, où le cher disparu est présent dans une petite photo discrète, en médaillon, et non en tenue de sport. Ces tombes-là sont déjà rongées par le temps. Et puis on voit des dizaines de tombes enfoncées dans le sol, disloquées, éventrées parfois.
Fleurs et Crucifix brisés, et un jardin du souvenir qui n'est qu'un tas de cailloux.
Eh quoi, direz-vous, c’est la vie ! Je le pense aussi. Nos ancêtres chrétiens confiaient les dépouilles à la terre, les âmes au Seigneur, et s’en retournaient aux champs. Mais nous, pourquoi ces tombes si pompeuses, ces déclarations d’éternité, si nous laissons l’ensemble du cimetière en si piteux état ?
Il y a la mémoire privée, qui dépend du devenir des familles : certaines s’éloignent, d’autres disparaissent. J’ai moi-même des tombes d’ancêtres dont je ne sais qu’à peine où elles peuvent se situer ! Mais il y a une mémoire commune, et celle-ci devrait être préservée, surtout dans une ville dont le communisme est partie intégrante de ladite mémoire.
Regardez les tombes de ceux qui sont morts pour la France, contre le mur Sud ! Suffit-il d’un vin d’honneur le 11 novembre pour honorer la mémoire de leur sacrifice ?
Regardez ces deux tombes adossées contre le mur Est, et qui seront
effondrées dans 10 ans : Celle de droite (dont un
visiteur ce dimanche ne parvenait pas même à lire l’inscription) est celle d’un
maire, et même de l’un de ceux à qui nous avons donné le nom à une rue !
c’est la tombe de Hacque, qui devrait être entretenue car ses obsèques civiles
avaient fait un scandale mémorable, et marqué l’histoire de Sérifontaine à la
fin du 19ème siècle. Celle de gauche porte une inscription presque pitoyable
aujourd’hui : aux donateurs du cimetière. C’est en effet la tombe
de Louis Dupont d’Englesqueville (et de son père), c'est-à-dire du dernier
habitant du vieux château avant qu’il ne soit presqu’entièrement détruit.
D'Englesqueveille est effectivement celui qui donna à Sérifontaine le terrain
du cimetière … où ce parisien avait choisi de reposer lui aussi.
Et que dire de la tombe des curés, contre le mur Nord, tout à droite, où ne
se distingue plus qu'à pein le nom de l'abbé Montreuil, qui a tant compté pour
tant de Sérifontainois?
L’ingratitude, disait Winston Churchill en citant Plutarque, est la marque des peuples forts. Mais les anglais ont conscience de leur histoire et c'est cela qui leur donne une force incroyable dans les épreuves.
Au centre du cimetière, il y a une croix portant une inscription montrant
que jadis, une démarche privée pouvait aussi être collective
N'en sommes-nous plus capables?
Le projet d'un jardin du souvenir mériterait d'être pensé : il
faudrait que tout le cimetière soit beau comme un jardin, et qu'il soit propice
au souvenir !
Publié le lundi, juillet 2 2012 par Jacques Favier
Commentaires
Bravo je pense que les généreux donateurs tombent vite dans l'oubli bien que nos villages en profitent toujours. Talmontiers même combat - sauf que le cimetière est bien entretenu et le jardin du souvenir également.
Le problème que vous soulevez ici m’interpelle, je crois savoir que ma grand-mère décédée en 1972 avait une concession à perpétuité, mais est-ce la réalité ou le fruit de mon imagination ? La commune va-t-elle faire un état des concessions éventuellement consultable sur internet pour les familles éloignées ? Bien que n’ayant pas souvent l’occasion d’aller à Sérifontaine ça me chagrinerait beaucoup de savoir son caveau vidé de ses restes et occupé par d’autres familles.
Ch.B
Chère Madame,
Je me suis rendu pour vous être agréable à la Mairie, où l'on m'a très aimablement indiqué que la concession de 1972 est bien perpetuelle. Compte tenu du caractère privé, je poursuis cette correspondance sur messagerie privée. J'ajoute seulement ici que "perpétuelle" ne s'entend qu'à la condition que les familles entretiennent la tombe, les monuments abandonnés ou effondrés sont donc considérés comme en déshérence.
JF
Le 11 novembre , fête nationale... et nous ne sommes pas capables d'entretenir les tombes des soldats qui sont morts pour notre petit confort!!!
Patrick Thibaut
Je ne dirais pas qu'ils sont morts pour notre confort (dont ils n'imaginaient absolument pas le niveau!). En revanche ils avaient un sens du devoir, jusqu'à la fatalité, et de l'honneur que nous avons largement perdus. Quoi qu'il en soit, je suis d'accord : il y a un gros malaise devant les tombes de ces "morts pour la France". Dans mon livre j'avais publié le dernier portrait encore visible, sur sa petite plaque émaillée, dans notre cimetière. J'avais songé alors que je lui offrais une nouvelle "survie". On pourrait dire que ce soldat, AnatoleDuval, est notre soldat connu et que ce sont tous les autres qui sont des soldats inconnus. Paradoxe...
Cependant mon propos ne se limitait pas aux tombes militaires: celles des maires (ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n'y croyaient pas) , celles des curés , etc ... Non, je voudrais que tout le cimetière soit un jardin du souvenir: sans polémique, sans exclusive...
Jacques Favier
Juste pour dire qu'ayant pris le temps d'ouvrir votre blog, monsieur Favier, amoureuse de l'Histoire qui participe à notre histoire à chacun, eh bien je trouve votre démarche "très jolie" sociale et généreuse...merci.
C'est une période de vacances, je n'en dirai pas plus aujourd'hui mais, dès la rentrée, je viendrai cueillir les dernières infos...
Le cimetière occupe encore une belle place dans l'article que me consacre L'Eclaireur du 25 juillet 2012 (cliquer pour lire).
J'espère ne choquer personne quand je dis qu'avec un corps, chaque tombe en ruine d'un soldat mort pour la France recèle trois choses qui étaient précieuses (pas toutes aux mêmes personnes, qu'importe!): le sentiment national, le pacte républicain et l'idéal communiste. Où que chacun de nous place la dette qui le relie aux autres (vivants et morts) ce lien existe et ne peut être répudié sans grave dommage.
Bonsoir,
Autrefois, le cimetière de Sérifontaine où tous les membres de ma famille sont entrerrés depuis plusieurs générations, était très bien entretenu et paraissait même presque gai...Depuis quelques années, malheureusement, ce n'est plus du tout le cas. De nombreuses tombes sont à l'abandon avec des mauvaises herbes autour, d'autres tombes plus récentes ne sont plus entretenues et je trouve cela très triste et très dommage. Si la mairie pouvait faire le nécessaire pour que ce soit mieux entretenu, ce serait bien et je la remercie par avance.
MM
Merci chère Madame de ce commentaire. J'ai plusieurs fois attiré l'attention sur ce que vous pointez du doigt. Une recension des tombes en déshérence a été entreprise. Mais à voir tant de tombes (même récentes) inclinées dans tous les sens, formant comme des vagues, je me dis que c'est le terrain lui-même qui drvrait être drainé. Ensuite il y a des tombes que la Municipalité s'honorerait d'entretenir: au premier chef, comme je l'ai écrit et dit dans des interviews, celles des jeunes soldats morts pour la France. Mais je songe aussi à celles des anciens Maires (dont deux sont vos ancêtres en ligne directe) et celle du comte Dupont d'Englesqueville, qui a donné le terrain du cimetière à la commune, et dont la tombe au demeurant, remarquable, ne va pas tarder à se disloquer. Cela donne une impression d'ensemble sinistre, comme si au delà des disparus, il y avait quelque chose de mort dans la commune elle-même.
JF
Bonjour,
Vous parlez dans cet article de la tombe du père de M. Dupont d'Englesqueville. Est-il possible de connaître les inscriptions qui y figurent.
LQ
Merci cher Monsieur de votre intérêt pour ce curieux monument, sorte de sarcophage à l’antique, orné d’étranges petites figures aux angles. Sur le devant la mention « aux donateurs du cimetière ». Sur le couvercle du catafalque, côté Nord : « Ici repose Louis Dupont, Comte d’Englesqueville (…) Chevalier de Saint-Louis, Membre de la Chambre des Députés (…) Priez Dieu pour le repos de son âme ». Côté Sud : « Ici repose Ferdinand Dupont, Comte d’Englesqueville, décédé à paris le 16 février 1860 (…) Priez Dieu pour le repos de son âme ».
Sur cette seconde inscription, les mots « Comte d’Englesqueville » sont gravés dans un caractère différent, en magnifiques gothiques. A dire le vrai, hormis ces mots, il faut se donner bien du mal pour déchiffrer le reste, quand le soleil couchant le permet. Lentement ce monument s’enfonce, comme tant d’autres, dans le cimetière de Sérifontaine.
JF
Merci pour ces renseignements. Ces Dupont d'Anglesqueville sont bien ceux que je cherchais. Voici l'acte de décès de Louis à Sérifontaine :
L'an mil huit cent trente six, le vingt sept novembre à midi, par devant nous Jean Baptiste Baclé, maire soussigné (...) sont comparus Monsieur le vicomte Dupont d'Englesqueville Louis Ferdinand, propriétaire, âgé de 27 ans, domicilié en son château en cette commune et Monsieur le comte de Coulteulx de Canteleu Barhtélémy Alphonse, propriétaire, âgé de cinquante ans, commandeur de l'ordre de la Légion d'Honneur, domicilié à Paris rue Neuve-des-Mathurins, n° 78, lesquels nous ont déclaré que Monsieur Louis Dupont, chevalier de Saint-Louis, domicilié en cette commune, né à Tous-les-Mesnil, commune d'Ouville-la-Rivière, département de la Seine-Inférieure, né le huit août 1774, fils de feu Monsieur Antoine Dupont d'Englesqueville et de feue Mme Dupont D'Englesqueville, née Lhermette Henriette Suzanne, veuf de Madame Marie Catherine de Garrault, comtesse d'Englesqueville est décédé en son château en cette commune ce jourd'hui à onze heures du matin, nous avons rédigé le présent acte de décès que les déclarant, le premier fils du défunt et le second beau-père du premier ont signé avec nous...
LQ
A mon tour de vous remercier pour vos précisions. L'acte que vous citez (l'avez vous consulté sur Internet? aux Archives de Sérifontaine?) est l'acte de décès du père de notre châtelain. Nouveau propriétaire en 1833 du château de Sérifontaine, et d’une bonne part des terres qui sont aujourd’hui au centre du bourg, Louis Ferdinand[1] Dupont était né le 29 mars 1809 à Dreux. Il est alors appelé soit vicomte d’Englesqueville, soit comte fils. Il était en effet le fils du comte Louis Dupont d’Englesqueville, un gentilhomme normand né à Ouville la Rivière, près de Dieppe, en Seine Inférieure[2] en 1774. Après avoir été officier dans l’armée des princes émigrés durant la révolution[3] ce père avait été élu député par l’Eure-et-Loir à la « Chambre introuvable » d’août 1815. Il mourut le 26 novembre 1836, apparemment chez son fils, dans le château de Sérifontaine. Ce jour-là, Ferdinand signe le registre des décès d’une toute petite écriture « Dupont Vte d’Englesqueville ».
Ferdinand Dupont avait épousé en 1835 Augustine Mathilde Le Couteulx de Canteleu[4], issue d’une famille qui possédait déjà avant la révolution de nombreux domaines dans le bailliage de Gisors. Lui-même a exploité la dernière briqueterie de Sérifontaine, qui donne alors son nom à l’actuelle rue Hacque. Il fit des dons à la commune, dont le terrain de l'actuel cimetière où il n'est venu reposer que bien des années après son décès.
C’est bien plus tard, en effet, en 1888 qu’il y sera transféré . La commune ne pouvait faire moins que d’offrir une concession perpétuelle.
L’arrêté est signé le 8 octobre 1888 par Joseph Hacque : « Nous Maire de Sérifontaine, canton du Coudray St Germer, département de l’Oise, Vu la demande à nous présentée par M. le marquis de Maleissye, domicilié à Villa des roses, avenue du chemin de fer, Avon-Fontainebleau, Seine et Marne, légataire universel du feu Ferdinand Dupont, comte d’Englesqueville, et tendant à obtenir la concession perpétuelle de neuf mètres superficiels de terrain dans le cimetière de cette commune pour y transférer les restes de MMrs Dupont d’Englesqueville, père et fils, inhumés dans l’ancien cimetière,
Vu la délibération du conseil municipal en date du quinze août dernier, approuvée par M le Préfet le vingt-deux du même mois, autorisant le maire de Sérifontaine à concéder gratuitement le terrain nécessaire pour y établir à perpétuité la sépulture ci-dessus désignée…
Joseph Haque repose dans la tombe voisine.
JF
[1] C’est dans cet ordre que les deux prénoms apparaissent tant sur son extrait de naissance que sur les tables de décès. Il semble qu’il ait, de son vivant, plutôt usé du prénom de Ferdinand ou Ferdinand-Louis.
[2] Et non dans le Calvados comme le dit le site de … l’Assemblée nationale.
[3] Archives de l’Armée 2YE 1348
[4] Mariage célébré le 14 janvier 1835, à Farceaux (Eure)
Bonjour,
Vous avez fait un article en 2012 sur le cimetière de Sérifontaine. Vous parlez dans cet article de Louis DUPONT comte d'Englesqueville et de son fils Louis Ferdinand. J'ai beaucoup étudié cette famille car j'habite dans le hameau de Tous-les-Mesnils à Ouville, au pied de leur château familial. J'aimerais s'il vous est possible de me transmettre une photo de la tombe de Louis et Louis Ferdinand, tombes que je pensais disparues. Si vous le voulez, je peux vous transmettre des documents concernant leur généalogie.
Anecdote, Louis-Ferdinand qui a apparemment donné le terrain du cimetière de votre commune avait aussi donné des terrains à Ouville-la-Rivière pour créer de nouvelles routes.
Cette famille, qui s'est éteinte avec Louis-Ferdinand, est marquée par sa générosité. L'oncle de Louis-Ferdinand, frère de Louis, a été maire d'Ouville pendant 41 ans et, sans enfant, il a donné énormément pour la commune : l'école des garçons, la mairie, des terrains, le payement des impôts les années difficiles, ... Par délibération communale sa tombe a été mise a perpétuité et est entretenue au frais de la commune en remerciement au "Père des pauvres" comme l'indique la délibération. La sœur Louis Suzanne a quant à elle donné l'école des filles.
QG