68 - L'Usine en guerre

Une photo vieille de plus d'un siècle fait ressurgir un morceau de notre passé : celui d'une petite ville jadis forte et fière de son usine, que l'on désignait alors traditionnellement comme « Saint-Victor » mais qui appartenait à la Compagnie Française des Métaux. Celle-ci employait durant la Grande Guerre 878 ouvriers, 602 hommes, dont 140 mobilisés, 98 femmes et 90 enfants, travaillant 10 heures par jour.

La production mensuelle était de 1.000 tonnes de cuivre, en feuilles, en bandes, en disques, le tout entrant dans la fabrication des douilles, des fusils, des canons. Inutile de dire que c'était une production stratégique. On se méfiait de l'ennemi, qui n'était pas loin. On se méfiait aussi des ouvriers, qui sentaient de plus en plus qu'ils étaient en position de force, et qui bientôt imposeront par des grève une réelle revalorisation des salaires.

Il fallait protéger l'usine. Qui pouvait s'en charger, alors que les soldats étaient plus utiles au front ?

leposte de garde en 1916

Dès 1914, alors que des commandos allemands rôdaient à quelques kilomètres à peine de Sérifontaine (combat de la Rouge Mare au nord-ouest de Bouchevilliers), l’usine Saint-Victor tournait à plein régime. Compte tenu de son étendue, sa protection, ordinairement assurée par un unique veilleur de nuit, était plus difficile que celle d’autres petits sites industriels, d’autant que la gendarmerie la plus proche était celle du Coudray. Ce n’est finalement qu’en 1916 que le général Sorin et le commandant Vaneufville accordèrent la création d’un poste de surveillance, constitué de dix fantassins cantonnés sur place.

Le nombre de soldats au poste de garde ne fut porté de 10 à 17 que tardivement, dans la dernière année du conflit, et semble-t-il surtout du fait des grèves de 1917 sur lesquelles je reviendrai un jour ou l'autre.

Pendant que d'autres collectionneurs notoires étaient en vacances au loin, j'ai eu la chance de mettre la main sur une photo-carte, comme on disait alors, sans doute tirée à 20 ou 30 exemplaires tout au plus. Elle montre ces hommes, que l'on appelle les GVC, les Gardes Volontaires civils. Il y a peu de chance que l'un de mes lecteurs puissent m'aider à remettre des noms, mais sait-on jamais...

une traceEn tout cas le revers de la carte donne des indications : elle fut envoyée par Jules Caron à l'une de ses filles. Le temps de guerre est celui où les revers de cartes postales se font les plus émouvants. J'ai ainsi dans ma collection une conversation entre amoureux sur plusieurs cartes, qui en dit long sur les difficultés sentimentales de la pauvre génération de 14. Je pense cependant ne jamais la publier. J'ai aussi des récits des convalescents (le château du Saussart en accueillait beaucoup) qui écrivent à leur famille pour les rassurer.

Mais le travail, pour retrouver et re-situer ces humbles traces est assez long. Si l'un de mes lecteurs peut m'en dire davantage sur Jules Caron et sa fille ; si certains possèdent encore des correspondances de "poilus", qu'ils me contactent sans trop attendre. Hora fugit...

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