89 - Nos chevaliers : palmes et destins

Chaque année, comme partout ailleurs en France, Sérifontaine honore ses morts pour la France. C'est bien le moins. Mais cela entretient aussi une lecture prépondérante de la guerre comme sacrifice, lecture qu'il ne me revient pas de remettre en cause sauf à souligner que d'autres interprétations ont eu cours jadis : dans la culture héroïque, celle des chevaliers par exemple, la guerre est occasion d'exploits, de vaillance. Le titre de chevalier de la Légion d'Honneur véhicule clairement de telles notions. Sur les tombes de nos anciens, on trouve de nombreuses palmes ou rameaux de bronze apposés par diverses associations d'anciens combattants. Nulle n'est évidemment aussi prestigieuse que celle de la Légion d'Honneur, ici à gauche.

Il semble que quatre natifs de Sérifontaine (parmi ceux qui sont décédés avant 1977) en tout et pour tout ont, depuis l'origine, reçu le titre de cette moderne chevalerie. L'ordre, créé comme chacun sait par Napoléon, devait récompenser de la même manière les mérites militaires et civils. À Sérifontaine, ces quatre chevaliers sont tous des combattants.

J'évoquerai ensuite quelques autres légionnaires sérifontainois. D'autres personnes, nées ailleurs puis ayant vécu ou travaillé à Sérifontaine ont pu recevoir la même distinction (la base de données de l'Ordre ne permet pas de le vérifier) mais en mesurant cela par le lieu de naissance, on voit que seule la guerre a offert une telle  promotion ... ce qui n'est pas anodin.

Voici ce que j'ai pu savoir de ces légionnaires natifs de Sérifontaine. Je remercie la nièce de J-L. Franco qui m'a communiqué les images de lui que l'on trouvera en fin d'article. Je précise que la famille de ce grand soldat m'a expressément autorisé à les publier et que leur caractère impressionnant pourrait choquer les âmes sensibles autrement que ne le fait la litanie des  morts pour la France . Je remercie également D. Boucherot pour la photographie de J. Carpentier qu'il m'a communiquée et par avance ceux de mes lecteurs qui pourraient m'aider à illustrer encore davantage cet article d'hommage.

Commençons donc par trois chevaliers de la Légion d'Honneur nés à Sérifontaine mais enterrés ailleurs :

Constant Louis Dumont est né le 3 février 1895, fils d'Auguste-Joseph-Adrien Dumont, domestique et de Marie Heuzé. Il est soldat au 3ème régiment de zouaves. Croix de guerre, médaillé militaire, sévèrement amputé (jambe droite) et marqué de blessures notamment au genou gauche. Démobilisé en 1917, il entre chez "Sud Lumière" à Bourg-la-Reine, une société qui sera ensuite absorbée par EDF où Constant Dumont est rédacteur jusqu'à sa retraite. Il se marie et a deux enfants.

Il est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1943. Il est promu officier en 1950. Il est décédé chez lui au 19 rue de la Bièvre à Bourg la Reine le 27 juillet 1957.

Georges Aurélien Dubois est né le 4 février 1894, fils de Désiré Joseph Dubois et de Fanny Julien. Avant la guerre, il est ouvrier mécanicien au Comptoir de la métallurgie à Paris. Le 29 décembre 1913 à Sérifontaine il épouse Germaine Gabrielle Delaunay.

Engagé volontaire pour la durée de la guerre, il est Maréchal des logis au 4ème régiment d'artillerie de campagne, il est blessé en avril 1917 à Vaux-Aillon (Aisne) et amputé du bras droit. Médaillé militaire en juin 1917 il est ensuite employé aux Ponts-et-Chaussées après l'armistice, puis sous-chef de bureau au Ministère des Pensions, puis chef du service du roulage à Dax. Il a eu deux enfants. Il se retire dans les Landes. Il est fait chevalier en décembre 1931 et officier en juillet 1946. Il décède le 15 juillet 1967.

Maurice Ernest Alépée est né le 3 juillet 1897, fils de Louis Victor Alépée et de Augustine-Angèe Le Piquet. Soldat au 104 ème régiment d'artillerie lourde. Il se marie à Pontoise en 1922 et fait carrière aux Eaux-et-Forêts. Affecté depuis le début des années 30 de diverses séquelles (dont un Parkinson) qu'il fait reconnaître par la justice en 1956 comme étant la suite des traumatismes cérébraux subis durant les bombardements, il est médaillé militaire en juillet 1959. Il reçoit la Légion d'Honneur le 11 novembre 1960, certainement à l'occasion de la cérémonie annuelle, dans le Lot. Il décède à Gourdon dans le Lot le 3 octobre 1972.

Le dernier des natifs de Sérifontaine à avoir été distingué est un officier général issu d'une famille célèbre de notre commune.

Jean-Louis Franco est né le 3 août 1898. Il était le fils du capitaine Edgard Franco, décédé en 1902 et de Jeanne Boyer, donc le petit-fils du maire Jean-Boyer et le neveu du maire Pierre-Eugène Boyer. Sa mère avait épousé en 1904 le colonel Pallu et elle est restée dans notre histoire la célèbre générale Pallu , qui fut privée de son ruban rouge alors que son fils gravissait les échelons de l'ordre.

Engagé volontaire en 1916 comme soldat, il est sous-officier en 1918, lieutenant en 1924 date à partir de laquelle il sert au Maroc, en Syrie, puis de nouveau au Maroc. En 1934, lieutenant d'infanterie hors cadre au Maroc où il sert dans la Garde Chérifienne, il est nommé chevalier de la Légion d'Honneur et ses insignes lui sont remis lors d'une cérémonie militaire à Rabat. Dix ans plus tard c'est comme chef de bataillon qu'il est créé officier de cet ordre.

Il a été gravement blessé au visage durant la guerre. Il en est fait commandeur de la Légion d'Honneur en 1946. En juillet 1953, il reçoit avec une nouvelle décoration, une preuve d'estime du (futur) Maréchal Juin. Et dix ans plus tard, colonel de réserve de l'infanterie métropolitaine, il est élevé à la dignité de grand officier de la a Légion d'Honneur. La remise des insignes est faite le 14 juillet 1956 par le général Franchi, l'homme du maintien de l'ordre) au Maroc dans ces années troublées qui précèdent l'indépendance. Jean-Louis Franco décède à Etouy, dans l'Oise, en mars 1967.

Un certain nombre d'autres sérifontainois ont été distingués par le ruban rouge :

Le colonel et baron Charles d'Arlincourt, né en 1787, est fait chevalier en 1812 alors qu'il est aide de camp de Murat, roi de Naples. Créateur, après la chute de l'Empire, du site de Saint-Victor (et de quelques autres) il est promu officier de la Légion d'Honneur en 1854, un an avant sa mort. Il n'y a pas de signe distinctif sur la petite chapelle familiale au centre de notre cimetière.

D'autres industriels, comme Eugène Secrétan ou Charles Kriegelstein ont arboré le ruban rouge, qui n'a jamais été réservé aux militaires, même si à Sérifontaine, il semble être un peu leur apanage.

Déjà mentionné, le général Henri-Paul-Alfred Pallu, né en Auvergne (patrie d'origine des Boyer) en 1860 et second époux de Jeanne Boyer fut chevalier de la Légion d'Honneur en 1897, officier dans le même ordre en 1909 et commandeur en 1922. Décédé dans leur second château (celui de Trie-Château) en mai 1941, il est enterré à Sérifontaine sans mention de sa décoration. C'est lui-même qui, en août 1925, remet la Légion d'Honneur à sa femme qui s'est illustrée comme Présidente de l'Oeuvre des Mères et des Enfants et diverses autres. En 1948, le général Pallu n'est plus de ce monde lorsque la générale perd le droit de porter son ruban après sa condamnation par la Cour de Justice d'Amiens.

Finalement, je n'ai trouvé dans notre cimetière qu'une seule tombe ornée de la palme de bronze de la Légion d'Honneur et c'est encore celle d'un soldat, Jacques Joseph Léonce Carpentier, né à Sérifontaine le 1er avril 1914, fils de Joseph Carpentier, employé de commerce et de Léone Hacque, qui étaient tous deux domiciliés à Marigny-lès-Compiègne. La famille maternelle est celle d'un maire, la paternelle ne manque pas d'attaches locales puisque la déclaration de naissance est faite par deux Carpentier, l'un (Pierre) épicier et l'autre (Georges) garçon boucher.

Soldat dès avant la guerre (on le voit ici à Oran en 1935) il s'illustre durant le conflit en allant rechercher son général blessé pour le ramener dans les lignes françaises. Ce qui lui vaut l'honneur de devenir le chauffeur de ce général.

Fait prisonnier, il s'est évadé, ce qui lui vaut la médaille des évadés volontaires en 1969, puis s'engage dans les Forces Françaises Libres (dossier FFL n° 107917). Après guerre, toujours chauffeur, il épouse le 31 décembre 1948 à Sérifontaine Marie-Louise Rousset. Il est décédé à Gisors le lendemain de son 79ème anniversaire. J'ignore à quelle date il a reçu la Légion d'Honneur.

J'ignore aussi si d'autres combattants de la seconde guerre l'ont reçue, que ce soit des FFC comme Daniel Abadie, Robert Félix Masson et Georges Amédée Vignon, des FFI comme Alphonse Cave et René Georges Pruvost, ou encore Eugène Hérault, qui fut Déporté-Interné de la Résistance.

Commentaires

1. Le vendredi, novembre 12 2021, 18:40 par Christian Velu

J'ai bien connu la famille Carpentier qui habitait en haut à gauche de la rue de Cocagne.

J'ignorais son parcours militaire complet mais mon père m'avait dit qu'il s'était engagé dans les Forces Françaises Libres. Dans les années 60 on jouait sur la route de Cocagne avec leurs deux fils dont le plus jeune perdit la vie à bord d'une Floride décapotable aux Routis près du Coudray, de retour de la fête  de Jeanne Hachette à Beauvais en juin ou juillet 1967 ou 68 ; son frère en sorti indemne.Depuis ce jour une profonde tristesse n'a plus quitté les deux parents jusqu'à leur disparition.Quant a son frère aîné et à sa sœur ils ont dû vivre avec, et je serais bien content de reprendre contact avec eux.

Christian Velu

Cher Monsieur

Je n'avais pas souhaité mêler le destin tragique du jeune Marc Carpentier aux faits d'armes de son père, mais plusieurs Sérifontainois s'en souveinnent. Ses deux parents sont inhumés avec lui à Sérifontaine, et la palme de bronze est comme ensevelie sous les plaques commémoratives de l'émotion suscitée par la disparition de leur fils, en 1967, alors qu'il était collégien à Gournay.

 

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