34 - Champagne !

Les territoires passent, les élus restent.

Je mets un malin plaisir à retourner la formule qu’employait la Présidente de la Communauté de Communes du Pays de Bray-Oise pour renvoyer à des calculs politiciens toute volonté d’inscrire notre commune dans une autre intercommunalité que la sienne. Tout ce qui est politique serait donc impur, les territoires, selon une autre formule grandiose, eux, ne mentiraient pas ?

agecanonix Sauf que les élus, chez nous, restent parfois fort longtemps : Pierre-Eugène Boyer ou Bernard Leduc à Sérifontaine, Marcel Larmanou à Gisors, ou l’indéboulonnable Jean-François Mancel…

Alors que pour les territoires, c’est une autre affaire. Certes la carte géologique bouge peu et le tracé de nos communes reprend pour l’essentiel celui des paroisses avant la Révolution. Mais notre canton vient de disparaître, et les intercommunalités, agglomérations et communautés urbaines ne cessent de changer de périmètre. Les bureaux d’études sont payés pour cela : dessiner de nouveaux Schémas de Cohérence, avec de nouveaux périmètres arbitrairement barbouillés de couleurs, structurés de grandes flèches et ornés de légendes préfabriquées. Le Pays de Bray de Madame Lefèbvre avec ses 15.000 habitants ne fait pas le poids aux yeux de M. Hollande, même après avoir gobé Sérifontaine. Gageons qu'il ne survivra pas à la décennie. Les territoires passent.

On nous rabâchait depuis des décennies que les 22 régions étaient notre vrai cadre de vie et que les vieux départements étaient dépassés. Mais quand on voulut faire disparaître les numéros de ces départements de nos plaques d’immatriculation automobile, ce fut une bronca des citoyens pour les garder : les énarques durent y consentir, à condition cependant (et sous peine de 68 € d’amende) que cela fut accompagné de leur cher symbole européen (article 8 de l'arrêté interministériel du 9 février 2009) et des symboles officiels des régions (article 9) .

la France des logos

Or ces symboles tout juste bons pour des chaines de supermarché, et qui ont été dessinés à grands frais par des agences de com’ amies pour flatter la vanité des présidents de Conseil régionaux, on ne va pas tarder à les renvoyer aux poubelles de l’histoire et à les interdire (sous peine d’amende, j'imagine). On s'en remettra et on oubliera vite l'affreuse signature de notre région actuelle, qui, comme le font les illettrés, signe péniblement d'une simple initiale.

Si les régions françaises existaient vraiment, pour toujours, comme les cantons suisses, voici ce que l’on verrait sur les plaques des voitures de Sérifontaine.

les plaques

Mais maintenant, pour remettre la France en ordre, il faudrait diviser par deux le nombre de provinces. Il ne viendrait pas (encore ?) à l’idée de proposer aux nécessiteux de diviser par deux le nombre de leurs enfants. Autant dire que ces 22 régions n’existaient pas vraiment, et penser à autre chose. Mais M. Hollande qui vient de perdre les municipales, les européennes, ses électeurs, son temps et le nôtre a réfléchi. Il a consulté, nous dit-on. Pas nous, en tout cas, mais on commence à s'y habituer.

Depuis des semaines, les quelques-ceux qui ne s'en fichent pas complètement regardaient les cartes publiées de çi de là. Faites une recherche sur Google, vous trouverez un véritable mécano des régions françaises. Mais en gros cela se répartissaient en trois grandes directions, en ce qui nous concerne : vers Paris (pour l'Oise seule, après éclatement de la Picardie, vers Lille, éventuellement vers Rouen.

vers Paris

vers Lille

vers Rouen


une idée brillante Le choix "vers Rouen" , soutenu par les présidents des Conseils Régionaux, semblait tenir la corde même s'il conduisaitt à fusionner le Nord-Pas de Calais avec la Wallonie... Mais puisque l'on a décidé de le garder comme une principauté socialiste du Nord, rien n'aurait dû s'y opposer…

Pendant des semaines M. Hollande a reçu des gens importants et intelligents. Cela lui a permis d'examiner tout un tas d'idées folles,un vrai concours Lépine de propositions farfelues et de grands fantasmes économiques, à la Jacques Attali de type «Paris Seine Havre», ou à la Jean-Christophe Fromentin, qui ne veut plus que 8 villes en France et un Grand Paris de 20 millions d'habitants

Enfin M. Hollande a écouté sa principale conseillère: la paresse. Il réunit les régions sans les retoucher, sans toucher aux contours des départements, sans toucher à rien. Tant pis si les 18 milliards d'économie invoquées initialement seront à la fin sans doute inférieures à 2 petits milliards, c'est le prix à payer pour avoir la paix avec le maximum de grands barons. Et il est ainsi arrivé à ça.

Pour (je cite le Président) répondre aux inquiétudes des citoyens qui vivent à l'écart des centres les plus dynamiques et qui redoutent d'être délaissés par l'Etat en milieu rural, les gens du Pays de Bray iront se faire voir... à Reims.

vers Reims

Pour Sérifontaine, éclatée depuis toujours entre le pouvoir royal (à Paris, voire Pontoise) et ecclésiastique (à Rouen), entre les seigneurs puis les capitalistes (à Paris) et les marchands et la gare (à Gisors), accrochée assez artificiellement à Beauvais, sans lien réel avec Amiens , la marginalisation continue. Toujours placée sur une frontière, elle voit le centre s'éloigner, toujours plus loin, vers là où ses habitants n'ont aucun intérêt matériel ou moral. Rien ne nous rattache à Reims, qui me paraît être la seule métropole (et encore) possible. En cherchant bien, le seul point comun du Vexin et de la montagne reimoise c'est la géologie: nous sommes aux deux bouts du Bassin Parisien. Nous sommes sur les bords. Mais de notre côté, les bulles n'ont jamais été que de cidre...

D'ores et déjà "notre nouvelle région" apparaît comme l'une des plus absurdes (aucune tradition commune, aucune infrastructure cohérente, aucune métropole) et surtout les plus pauvres, née du rapprochement de deux régions notoirement en difficulté. On a un peu le sentiment que ce monstre a été fait selon la recette que Clémenceau appliquait en 1919 au vaincu quand, dépeçant l'empire Habsbourg, il déclarait avec une joie mauvaise, l'Autriche, c'est ce qui reste. Evidemment, la chose n'aura pas de nom. Réunifiée, la Normandie s'appellera la Normandie. La chose s'appellera-t-elle la Picardenne ou trouvera-t-on un sigle plus hideux encore?

J'ai ici restreint le sujet à nos soucis, et les cartes à notre région. Nous sommes dans les plus mal lotis, mais faut-il envier les autres? NON.

Au total ces super-régions seront quoi ? des sous-pays sans histoire propre (à la différence des länders allemands) et surtout sans peuple conscient. Vous voulez la preuve que c'est bien cela que l'on cherche? Nul n'a songé à évoquer la carte des circonscriptions des récentes élections européennes. Soit elles sont absurdes, soit ce sont les idées de M. Hollande qui le sont. Mais il faut absolument que les choses n'aient aucun sens pour que l'absurdité puisse paisiblement perdurer.

les circonscriptions européennes

La République française souffre de deux défauts mortels : ses élites ne parviennent plus ni à l’aimer ni à la maintenir, et son peuple y exerce encore son droit de vote. On transfère donc certains pouvoirs à l’Europe (tout en pleurant son déficit démocratique avec des larmes de crocodile) et d’autres à des sous-pays largement gouvernés par cette « démocratie d’élus » qui n’a pratiquement rien de démocratique. Le plus ignoble, sans doute, dans la tribune publiée par M. Hollande, est la petite remarque sur l'intercommunalité qui va se voir renforcée : il faudra, dit-il, en tenir compte pour lui donner le moment venu toute sa légitimité démocratique. Cela fait longtemps que je le dit: la ComCom, c'est notre petite Europe locale. Le moment venu elle sera démocratique, le moment venu elle sera sociale. Le moment venu, nous, on cessera de la prendre pour une histoire qui ne nous concerne pas.

Ce démembrement du pays n’est pas sans précédent. Il y en a eu d'aussi pitoyables. Au temps des rois fainéants notamment !

Ce qui est nouveau c’est une République Une et Indivisible qui s’apprête à doter ces sous-pays d’une compétence réglementaire. La loi à Bruxelles, les règlements dans les métropoles régionales. A cet égard, la France, c'est ce qui reste.

Il y a, dans le film-culte d'Abel Gance, Napoléon , une scène sans doute sortie de l'imagination de l'artiste. On y voit les débats fumeux et peureux de ceux qui veulent une petite Corse bien tenue par quelques familles. Le jeune Bonaparte, qui fait le choix de la Grande Nation, décroche alors le drapeau et sort sous les huées avec ce mot magnifique: je l'emporte, il est trop grand pour vous!

il est trop grand pour vous

Commentaires

1. Le mercredi, juin 4 2014, 11:48 par Jacques Agra

Bonjour

Je suis toujours très intéressé par ces billets, surtout quand ils sont un peu politisés, et impressionné par la richesse de la documentation.
L’histoire plutôt lointaine est intéressante mais me passionne moins.
Je ne suis pas automatiquement d’accord avec toutes les idées et remarques mais je l’admets c’est souvent le cas.

Personnellement je vais à Gisors pour tous les besoins de la vie courante mais également à Sérifontaine (pour ce qu’il reste comme services) en fonction principalement du prix, de la qualité des produits et de l'urgence.

Il est évident que Gournay est plus loin et Beauvais encore plus, alors Amiens ou ??? , étrangement Rouen est loin, mais plus attractif.... il faut donc l'avouer le problème n'est plus la distance mais le temps de trajet et l'attractivité.
C'est bien cela qui manque à Sérifontaine aujourd'hui.

Ce problème se retrouve en région montagneuse avec la fermeture de maternités en fonction de la distance, nos têtes pensantes n'habitent pas dans ces régions, ils ne savent pas que la route tourne et que l'hiver il y a de la neige et du verglas qui peuvent bloquer les routes, les km sont devenus des minutes (30mn) dans les discours mais sans effet sur le terrain.

J'ai connu ça dans l'entreprise, comme d'habitude tout part d'en haut avec les desideratas des têtes pensantes, ensuite on s'arrange pour que cela soit présentable et de fait, c'est nul.

Pour les nouvelles régions, ils font comme pour le rattachement de Sérifontaine à la comcom, en regardant d'en haut, sans regarder la "vraie vie" : il n'est pas forcément nécessaire de faire table rase, les anciennes régions d'avant la Révolution ont eu des limites fluctuantes mais les noms sont restés, il y a aussi les Pays, de Bray entre autre...

Partir d'en bas est long et compliqué alors "ils" font dans le "nul" car c'est la solution de facilité (les paresseux). A mon humble avis, le problème n'est pas le nombre de régions et/ou la suppression des départements, mais évidemment les attributions de chacune de ces strates.

Le principe de regroupement de la comcom est bon mais dans la réalisation il ne remplace rien, encore une réforme boiteuse.

Dans nos 36000 communes un grand nombre sont des petites et toutes petites communes et pour une fois je vais utiliser les "statistiques" .
Sur une population de 300/400 ou 2844 il est difficile de faire ressortir 23 personnes, sur 1992 inscrits (pour Sérifontaine) compétentes ( et honnêtes si possible ) sans viser personne en général mais quelques particularités, là OUI (sur les 2 critères), cela dépend des circonstances.

Il et évident que la mairie de Paris à les moyens de se payer tous les experts du monde.

Tout cela pour dire que le Conseil municipal et le maire de la "Commune" doiventt être supprimés, la gestion devant être remontée à un niveau supérieur, je ne parle pas de comcom ou canton, car les attributions et modes d'élections devraient être adaptés. Il faudrait également remplacer les départements et les régions actuelles par une structure intermédiaire, plus que 22 et moins que 95+DOM.

Au dessus, il y a la possibilité de super régions (8 à 10), mais cela me fait penser à une forme de centralisme.

La région Picardie actuelle ne correspond pas à la région historique et peut-être que ces limites historiques ne sont plus adaptées.

Alors faut-il aller à contre courant, faudrait-il plus de régions ?

Mais cela, je le conçois est inimaginable pour les républicains et les révolutionnaires car la Commune est tout un symbole, plus que le département.

Je n'ai rien inventé , car c'est un peu le fonctionnement en Espagne:

  • concello
  • province
  • région (17 de toute petite à très grande)

Le terme province est devenu péjoratif en France , hélas, car il pourait être repris pour cette structure intermédiaire et les noms existent déjà pour la plupart!

Faire des économies c’est bien, mais si l’ont vit mieux sans en faire c’est du positif (effet qualité).

Enfin, c'est bien le rôle d'un Président de prendre des décisions difficiles, justes et adaptées.

Amicalement

Jacques Agra

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Merci de ce long message, difficile de tout commenter à mon tour.

Nous sommes tous conscients, apparemment, qu'il y a des niveaux où doivent se prendre les décisions (expertise, ressource) et des niveaux où il importe que s'expriment les choix citoyens. L'ennui c'est que ce ne sont presque plus jamais les mêmes. Il y entre une part de rouerie de nos dirigeants, que je dénonce, mais aussi le poids de nos traditions : les gens restent attachés à la Commune, ils n'ont que faire de la ComCom. Le "territoire" de la ComCom (surtout la nôtre) n'est pas plus "leur territoire" que l'Europe n'est leur Patrie, comme on voudrait le leur faire croire.

JF

2. Le jeudi, juin 5 2014, 05:08 par Philippe Boulfroy

Votre analyse est très intéressante ....les picards sont furax de ce choix complètement absurde !!
Je fais copie à mes copains pour info...
Il est vrai que les régions pour les élections européennes n'étaient pas si idiotes.
Adé pi amithieuzmint
Philippe Boulfroy

3. Le vendredi, juin 6 2014, 18:10 par Jacques Favier
Comme je l'avais annoncé dans mon mail d'envoi du billet, les élus (ceux qui s'expriment, mais 100% de ceux qui s'expriment) ne parlent que de leur circonscription.


Commençons à droite. L'indignation de Madame Cayeux tient juste au fait qu'elle n'a pas été consultée. On aurait fait une commission, une petite saleté comme pour l'incinérateur, et là elle aurait été satisfaite. Vu du plancher des vaches, la réforme de Hollande ou les décisions qui nous tombent dessus à longueur d'année, venant de la région, du département, de l'agglo, de la comcom, du syndicat truc et du comité machin, c'est du pareil au même. Bienvenue au club Madame. Christophe Coulon, à tout prender, est plus fin, même s'il n'est pas bien sûr que ce qu'il nomme l'histoire de la Picardie, et qui se confond avec le destin d'une région non dénuée d'artifice et vieille de moins d'un demi-siècle soit un argument convaincant. 

Quant à Madame Lefebvre
, elle nous tweete que Mr Gewerc devrait faire des états généraux avec les présidents des com de com. Elles ont la compétence développement du territoire. Ah oui, les ComCom, ont a tellement besoin d'elles ! Mais Madame, ce qu'elles ont en commun avec les régions, c'est le scalpel de M. Hollande dans le dos... Et encore un tweet: le rédécoupage des régions aussi incohérent que le tripatouillage des cantons. Des cartes électorales sans cohérence de territoire. En réalité, pour Madame Lefebvre, le seul territoire cohérent, c'est le sien, son terrain de chasse. Ne dit-on pas un anlmal politique? Pour le reste elle a suffisamment joué au Monopoly (Sérifontaine? j'achète!) pour que l'on prenne ses appels aux Etats-Généraux au sérieux. Si les Préfets peuvent décider du contour des ComCom, M. Hollande peut bien décider du contour des régions. 


À gauche maintenant:
Monsieur Gewerc est surpris. C'est tout?  
Monsieur Vantomme voudrait une consultation démocratique, mais ceci ne nous offre qu'un court moment d'espoir, car on sent vite qu'il ne songe guère qu'à l'avis des élus de proximité à l'écoute de leurs concitoyens et porteurs d'un projet ambitieux et concret. On sent bien tout de même que la mort des territoires, sue les élites considèrent plus ou moins secrètement comme inéluctable, concerne moins ce petit monde que l'agonie des gladiateurs dans le cirque impérial.
4. Le lundi, juin 9 2014, 17:30 par Thierry Pinel

Bonjour,

Pour revenir sur notre nouvelle région, je ne vois effectivement aucun sens au rattachement avec Champagne-Ardenne. La réflexion est déjà à faire par rapport à notre département. Vous le coupez en trois et chaque morceau se rattache à une région. Le sud ouest Gournay - Beauvais -Méru ( je parle de Gournay même si l'on n'est pas dans le même département, mais c'est une ligne) cette partie peut être rattachée à la Normandie. Toute la partie nord sans Compiègne avec le Nord, nous sommes dans ce secteur avec un mélange Picard Chti.
Le sud de l'Oise est plus proche de la région parisienne, elle représente un poumon riche, boisé, proche de Roissy Charles De Gaule et qui attire beaucoup de gens issus d'un milieu social plus élevé.
Donc sur un même département, 3 secteurs très différents, alors il est sûr que l'on aurait pu préférer la Normandie car nous en sommes proches, Rouen est à 1 heure. 

Mais je pense que d'autres habitants de l'Oise auraient vu les choses différemment.
 
Ce n'est qu'une réfexion

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