20 - A quoi ressemblera Sérifontaine dans dix ans?

J'ai fait partie de ceux qui ont fortement réagi lorsque l'image de Sérifontaine a été utilisée par un reportage télévisé pour illustrer (avec d'ailleurs certaines images tournées à Gisors!) une démonstration politique malhonnête. Je n'y reviens pas. Mais celui qui aurait regardé le même reportage en coupant le son, qu'aurait-il perçu des simples images? Carreaux cassés, rues vides... une sorte de Moldavie à vingt lieues de Paris.

des rues vides

Avec juste une ferraille rouillée pour rappeler toute une histoire ouvrière et une tradition politique. Quel mépris!

ferrailles

Bien sûr, les images comme les paroles étaient tristement "choisies". Mais elles devraient nous faire réfléchir, et parce que j'écris sur le Sérifontaine du passé, je peux aussi tenter de comprendre celui d'aujourd'hui, et poser la question de ce que sera cette commune dans un futur prévisible. Et ce futur aussi est notre "Patrimoine Commun".

Depuis quelques temps maintenant, comme tant d'autres, nous avons notre Zone d'activité et d'artisanat. Ses promoteurs y voyaient une clé du développement et de l'emploi ; ses détracteurs la dénoncent comme la cause de la mort du "centre ville". Les deux idées me paraissent excessives. Mais pour l'instant, on est tout de même loin de ce que laissaient espérer les jolis dessins du PLU, que ce soit pour ce qui est du paysager ou pour ce qui devait être de l'artisanat. Tant et si bien qu'après la prochaine station de lavage (qui nous apportera plus d'eau savonneuse à retraiter que d'emplois durables) on commence à parler d'y construire des entrepôts, comme sur le site de l'usine, qui a le mérite d'être raccordé au chemin de fer.

Frier PLU 3

Frier PLU 2

Il semble qu'on se soit aussi dangereusement écarté du budget initial et qu'une ardoise de plusieurs millions d'euros nous attende un jour ou l'autre.

Tout cela pour quoi? Il n'y a finalement pas grand chose de nouveau sous le soleil (quand il y a du soleil!) même si le Carrefour est plus accueillant que l'ancien Shopi (mais dépourvu de distributeur de billets) et le cabinet médical plus adapté aux exigences modernes que le dispositif ancien. Mais ce qui est dans la zone n'est plus dans le centre ville, et avec ses boutiques fermées une à une au fil des années (et bien avant la Zone de Frier) le "Centre Ville" n'est plus qu'un bout de village-rue ordinaire.

la presse fermée?

Mais au fait, doit-on parler de Centre Ville ? Où est-il ? Voilà une question bien simple en apparence, mais qui n'a pas de réponse. Devant l'église vide? en face de la pharmacie vide? dans le tronçon de rue qui mène de la Mairie au Monument aux morts?

façade

Il y aurait bien un endroit à partir d'où on pourrait structurer un "centre ville", ce serait le Château et son Parc. Mais ce Château auquel on n'a jamais trouvé un emploi valorisant est une épave sinistre. Quant au parc, sauf durant quelques manifestations, c'est un no man's land sans forme, espace ni public ni privé, vaguement désert, et lentement grignoté par des projets successifs. On avait construit à sa marge l'immeuble de la rue Aragon et le Shopi. Le Conseil Municipal a agréé en mars un permis de construire 39 nouveaux logements pour remplacer la vilaine tôle du Shopi. Donc on construit.

l'OIse Hebdo du 6 mars

Fort bien, la France manque de logements. Parlons de la politique du logement.

Je souhaite poser trois questions:

1- à quoi ressembleront ces nouveaux logements ? Les Monuments historiques (on est en périmètre protégé) et la Communauté de Communes (qui édite tant de paperasse sur le paysage!) laisseront-ils faire un nouvel immeuble (R+3 ou 4?) sans âme? Il s'agit de notre paysage urbain : pourquoi devrait-on attendre de voir cet immeuble construit (fin 2014?) pour en découvrir l'aspect? Faudra-t-il un recours contre le permis pour que le dessin de l'architecte soit enfin montré? ( PS du 15 juillet : réponse en commentaire ci-dessous)

2- qui en seront les nouveaux habitants? Est-ce qu'il y a une gestion volontariste de la population, faisant sa part à la solidarité évidemment, mais aussi au besoin de loger ceux qui sont en dessous du seuil de financement d'une maison neuve et au dessus de celui d'attribution des logements sociaux, voire une part à ce que les plus favorisés pourraient apporter s'ils élisaient domicile chez nous ? Entend-on accentuer ou corriger quelques désequilibres que les graphiques de l'INSEE (Sérifontaine en 1999 et en 2009) font assez bien ressortir?

quelques deséquilibres

Entend-on réserver quelques logements à des jeunes (ou bien comme cela a été fait à l'occasion loger en "social" des sérifontainois déjà propriétaires qui ont pu vendre très cher leur maison à de jeunes nouveaux-venus dans notre Commune) ?

3-cela est-il conforme au PLU de 2010, tel qu'il est publié sur le site de la Maire page 67 ? Je n'en jurerais pas. Il me semble que l'on serait plutôt, d'après le PLU, en zone d'activité culturelle :

PLU le zonage du centre ville

Je ne dis pas que ce PLU doit être respecté à la lettre... mais enfin si le PLU de Sérifontaine et le SCOT du Pays de Bray se chevauchent, s'ils sont contradictoires (le PLU page 74 dit clairement que nous penchons vers Gisors, le SCOT veut nous faire pencher vers Beauvais, etc) et s'ils sont réputés dépassés au bout de quelques années à peine... à quoi servent-ils? Pourquoi tout cet argent versé à des Bureaux d'Études?

Encore une question, très simple : quelle est la taille visée de la population à moyen terme?

Particulièrement frappante est la désinvolture avec laquelle on révise les estimations quant au chiffre de la population sans autre politique que le chiffre et selon les besoins du jours. Le PLU évoquait (page 75) trois hypothèses à l'horizon de 2025 : basse à 2.800 habitants, moyenne à 3.100 et haute, enfin, à 3.500.

Et au sujet de ce chiffre de 3.500, ce document précisait bien : L’hypothèse haute impliquerait quant à elle un développement communal très important, qui nécessiterait une adaptation des équipements publics à une forte augmentation de population, scénario qui ne correspond pas aux objectifs municipaux. C’est en ce sens que la Commune s’oriente vers un développement modéré, correspondant à l’hypothèse selon laquelle la population municipale peut être évaluée à environ 3 100 habitants à l’horizon 2025. Cette perspective d’évolution correspond, sur 15 ans, à environ 26-27 habitants supplémentaires par an, soit à un rythme d’évolution démographique de l’ordre de 1 % de croissance moyenne annuelle. Il est ajouté que c’est principalement sur le plan du développement économique que les priorités communales sont exprimées pour les prochaines années.

Or pour l'instant on a du mal à percevoir la priorité donnée au développement économique. On attire donc des gens qui ne pourront en fait que dormir à Sérifontaine. Est-ce un service à leur rendre ? Il y a des chiffres que promoteurs et agents immobiliers ne montrent jamais et qui indiquent jusqu'où il est rentable (au coût actuel du transport) de s'installer loin de son emploi : en gros... 25 km (si on doit faire tout le trajet en voiture). Après le salarié en est de sa poche. Bien sûr on compte sur le train ; mais a-t-il apporté le plein emploi à Gisors? et ce train ne mène qu'à Cergy et Saint-Lazare, il est bien loin de rayonner sur tout le bassin d'emplois.

Il faut se demander si cette croissance de l'offre de logements est un service à rendre à la ville. Au delà de l'élargissement de l'assiette fiscale, il faudrait avoir une politique réfléchie et maitrisée. Or, comme je le remarquais, on entend citer les chiffres les plus étonnants quant au chiffre de la population future : 3.100 (l'hypothèse moyenne du PLU, mais pas en 2025 : non, dès la fin de l'année prochaine, pour mieux lotir, ou pour donner de l'importance à notre groupe scolaire...) ou 4.150 dans vingt ans pour justifier l'achat d'une station surdimensionnée. En novembre le Maire parlait de 300 logements nouveaux en 4 ans du fait du train. Cela ferait environ 800 nouveaux habitants (minimum!) soit 3.650 habitants environ vers 2017.

Ceci ne correspond en rien à ce qui était considéré comme souhaitable il y a moins de trois ans dans le PLU, surtout en l'absence d'une réelle revitalisation économique dans le même temps. On dépasse même l'hypothèse haute qui était pourtant écartée.

Je pense qu'une solide réflexion s'impose, dès maintenant, pour apporter des éléments de réponse à ces questions : à quoi ressemblera Sérifontaine dans seulement 10 ans ? quelle taille de population voulons-nous? quel type d'urbanisme ou de paysage désirons-nous?

dans l'oeil d'un artiste

Si Sérifontaine se retrouve dans 10 ans sans le charme d'un village, mais sans les équipements et l'identité architecturale d'une ville, si elle n'a pas une composition cohérente et équilibrée de sa population mais seulement des extensions pavillonnaires, alors les tristes images données l'autre jour par la télévision n'auront même pas servi à réveiller les imaginations.

Il est encore temps. Il faut trouver le moyen que tous s'expriment : les habitants bien sûr (les anciens, les nouveaux venus, les adolescents et les enfants), mais aussi ceux qui aspirent à diriger la commune dans l'avenir.

Commentaires

1. Le lundi, juillet 15 2013, 23:53 par Jacques Favier

Après la diffusion de ce billet Monsieur le Maire m'a remis sous forme de tirage papier les deux croquis suivants de l'architecte amiénoise Marianne Leemann (datés de décembre 2012) :

de face

de coté

2. Le dimanche, décembre 22 2013, 17:41 par Olivier Vô-Tân

L'autre soir, en commentant le billet consacré à la modification des frontières cantonales, mes élucubrations nocturnes m'ont permis de réfléchir à nouveau sur notre chère localité....et de revenir sur la question posée par Jacques Favier. on sait à quoi ressemblait jadis Sérifontaine, mais à quoi notre ville ressemblera-t-elle dans dix ans?

"Le centre n'existe pas"
En paraphrasant et pastichant une formule politique célèbre, on pourrait en dire de même pour Sérifontaine, sur le plan urbanistique, commercial et de vie...
En effet, la plaque un peu "ambitieuse"  installée il y a quelques années  au rond point sur la D915 en venant de Gisors, qui indique le Centre Ville ne correspondait pas vraiment à la réalité : il aurait été plus juste de parler du centre du village en indiquant  "Village-Centre".
Et encore, Il  existait alors à l'époque un petit  tissu commercial avec la charcuterie, la pharmacie, la librairie-presse, le salon de coiffure, le fleuriste, le café-tabac et même jusqu'à une vingtaine de commerces en remontant dans les 20 dernières années.

Force est de constater qu'aujourd’hui cette plaque ne correspond pas davantage -hélas - et même encore moins, à la réalité : tous ces petits commerces de proximité et de vie se sont étiolés ou fil du temps, avec une accélération notable cette dernière année. Après la transportation de la pharmacie, des trois cabinets de médecin et des soins infirmiers sur la zone de Frier,  la fermeture de la charcuterie et de la librairie, celle annoncée du fleuriste, ne subsiste plus que le café, la boulangerie et le salon de coiffure... pour combien de temps encore, si l'on considère la tendance ?

Ne restera alors que la longue rue-village traversée par des voitures parfois à vive allure - si ce n'est à tombeau ouvert. Ne demeureront alors comme seules manifestations de vie que la célébration des morts au monument du même nom, ou l'accompagnement à leur dernière demeure des enfants du village dans une église - fermée d'ordinaire vu son état - , ultime vigie et balise de ce centre défunt.

Le Forum ou centre  imaginé et pensé par toutes les civilisations à commencer par les Grecs et les Romains entre autres, concrétisant , concentrant et symbolisant  la vie de la cité, et en y drainant la population, apportant l'animation indispensable aux liens entre habitants, ne serait plus qu'une chimère ou utopie dont on parlerait au passé en poussant des soupirs navrés ?

La politique au sens noble consiste à s'occuper précisément de la vie de la cité et des citoyens.
Les équipes politiques doivent tenter d'influer efficacement sur le cours des choses, qui n'est pas inéluctable.
Encore faut-il qu'elles n'aient pas abandonné toute velléité d'actions énergiques et efficaces. Et en prenant de bonnes décisions

Le centre renaîtra-t-il, ou ne sera-t-il plus que vitrines vides et église fermée ?
Il est vrai qu'il n'a rien été trouvé de mieux que d'y placer les poubelles à verre et déchets vestimentaires, ainsi que les pissotières...
L'image que l'on veut donner de notre ville ?

Olivier Vô-Tân