10- Sacrée géographie

Alors que je mettais la dernière touche au billet précédent, j'ai trouvé dans ma boite aux lettres le bulletin paroissial. Deux choses sautent aux yeux, le nom (la Voix du Vexin) et la carte. Comme je faisais remarquer l’autre jour à un interlocuteur mécréant que de tous les découpages administratifs, ceux de l’Eglise étaient les mieux faits, je le vis sourire : c’est que ce professeur d’histoire savait que j’avais raison. Pourtant l’Eglise aussi a subi la Révolution, puis les dictats napoléoniens (un évêque par département). Mais à partir de là, et en reconstruisant en permanence son maillage au fur et à mesure que les circonstances le lui imposaient, elle a eu, comme l’Administration, à inventer sa géographie avec son organisation.

Voyons donc ce qu’il en est chez nous. Le dernier curé résident fut le Père François Dutilloy, de 1980 à 1986. La paroisse s’appelle aujourd’hui « Vexin-Nord », et elle regroupe deux communautés, celle dite de Sérifontaine (avec Eragny, Flavacourt, La Lande-en-Son et Talmontiers ) et celle dite de Trie-Château ( avec Boutencourt, Enencourt-Léage, La Bosse, Le Vaumain, Trie-la-Ville et Villers-sur-Trie). Voici sa carte. la paroisse du Vexin Nord

Dans la vie pratique et concrète, cette paroisse du Vexin-Nord collabore avec celle de Chaumont en Vexin et celle du Vexin-Sud. Voici la carte de l’ensemble qui forme le « secteur missionnaire » du Vexin.

l'Unité paroissiale du Vexin

Le principe napoléonien est respecté : la paroisse ne franchit pas la limite du département. Par contre le découpage fait fi du tracé absurde et arbitraire du canton du Coudray mais tient compte de celui bien réel de la boutonnière de Bray : aussi le Coudray appartient-il à la paroisse du Pays de Bray, dans le « secteur missionnaire de l’Oise Normande », avec la Picardie verte et le Haut-Beauvaisis.

On le voit, les mots, les noms donnés, sont les mêmes, avec une différence essentielle, qui est que l’Eglise leur conserve, avec les ajustements nécessaires, leur vérité historique, quand l’Administration et les élus locaux s’en servent avec une désinvolte ignorance. Pour l’Eglise donc, comme historiquement, Sérifontaine n’est pas dans le Bray. Le premier acte historique mentionnant Sérifontaine est une donation royale datant de 918 et qui précise expressément que Sérifontaine est située « dans le Vexin ». Qu’est-ce à dire ?

Le Vexin tire son nom des Véliocasses, peuple qui dans les récits de Jules César vit coincé entre les Ebroïciens d'Evreux et les Bellovaques dont la capitale est à Beauvais et dont ils sont alliés ou clients. Cela a-t-il donc tant changé ? À la Renaissance, on trouve encore l'orthographe Velquesin qui évoque ces Véliocasses... Dès les temps carolingiens un « Comté de Vexin » est attesté. En 1032 le roi de France met la main sur sa partie orientale, autour de Pontoise, mais Sérifontaine est alors dépendante de … Gisors ! En 1074 c’est tout le Vexin qui appartient directement au roi.

Revenons à la carte. Au-delà du respect de l’identité des petits pays, cette organisation de l’Eglise en est-elle plus cohérente que celle de nos collectivités territoriales ? Sans doute faudrait-il le demander au curé et à son évêque, ils en sont les meilleurs juges. Mais on voit tout de suite que le territoire ecclésiastique a une réalité profonde. Bien sûr Gisors reste une enclave, du moins l’ensemble est-il centré sur ce pôle. Du coup on retrouve ici la vieille frontière capétienne du 12ème siècle, avec les places fortifiées de Chambors, Lattainville, Trie, Courcelles-les-Gisors et Boury. Oui, Boury, dont nos premiers châtelains et seigneurs portaient le nom, depuis Gaubert (vers 1097) jusque vers 1270, lorsque Thibaud de Trie, en épousant Jeanne, fille du dernier des Boury, mit la main sur notre seigneurie que ses héritiers détinrent plus de deux siècles.

Sur le vitrail central de notre église, au dessus du maître autel, ce sont bien les armoiries de la maison de Trie, d’or à la bande d’azur, que l’on retrouve. Sur Internet, on les retrouve parfois comme "armoiries de Sérifontaine"!

le vitrail de Sérifontaine

Par cette famille de Trie, c'est à Paris et au roi que Sérifontaine était reliée. Le plus grand seigneur de Sérifontaine, Renaud II, (vers 1393) était amiral de France, grand-maître des arbalétriers et chambellan du roi. Son père avait eu l’honneur unique de recevoir dans son château de Sérifontaine le roi de France en personne. Le Vexin, déjà, était moins tourné vers la Picardie ou la Normandie que vers le coeur de la France.

C'est à Chaumont-en-Vexin que finit pour Sérifontaine l’Ancien Régime : l’assemblée préliminaire aux Etats-Généraux s’y réunit en mars 1789, et le premier Sérifontainois élu par la population y représenta sa « paroisse ». Dans la première organisation de la France nouvelle, Sérifontaine appartient au canton de Flavacourt, district de Chaumont. La disparition de ces deux entités, sous le Consulat, est responsable de l'inscription de Sérifontaine aux marges du Bray où l'on veut aujourd'hui l'arrimer.

Commentaires

1. Le samedi, novembre 10 2012, 12:07 par Thierry Pinel

Je suis moi aussi sensible à l'histoire mais je ne pense pas que notre Préfet juge une répartition et un découpage religieux ou alors peut être est-il mécréant......

Il faut malheureusement parfois se rendre à l'évidence et le découpage du grand Beauvaisis n'est pas de notre ressort mais d'une entité que nous ne pouvons gérer.
Les choses n'évoluent pas forcément dans le sens d'une logique historique et notre position géographique fait que nous pourrions être sur trois régions ou secteurs en même temps (Picardie, Normandie ou Vexin ). Certains ont jugé bon de nous raccrocher à la Picardie et par là-même au Pays de Bray et il faut accepter cette décision, même si le village d'irréductibles a été pendant longtemps notre fierté!!!!!!!

2. Le dimanche, novembre 11 2012, 19:11 par Thierry Pinel

Bonsoir à tous, je veux juste donner mon avis sur cette question qui bien sûr est sur toutes les langues...

Je ne pense pas que nous ayons la possibilité d'épiloguer sur ce sujet, sachant que le préfet qui peut-être est mécréant.... n'a pas jugé nécessaire de nous rattacher au Vexin mais au Pay de Bray. Nous sommes dans le Grand Beauvaisis et là il n'y a pas discussion... et nous placer dans le pays de Bray est déjà un effet, même au niveau scolaire car nous sommes au niveau de l'USEP avec eux.

Je précise que nous avons des rencontres sportives avec des communes avoisinantes qui vont de La Chapelle aux Pots en passant par Saint-Germer, le Coudray , Flavacourt ... Ces communes sont sur le Vexin et le Pays de Bray mais la proximité de nos communes fait que nous avons plus d'affinités avec le Pays de Bray qu'avec le Vexin.
Nous sommes sur des secteurs très grands et qui, comme j'avais pu en parler avec l'abbé Dutilloy, sont difficiles à gérer même pour eux , prêtres, qui suivent des directives....

L'Eglise étant séparée de l'Etat... depuis longtemps il faut peut être se pencher sur autre chose et penser à notre commune qui malheureusement ne pourra pas être longtemps le petit village d'irréductibles.

Nous avons un avantage sérieux, c'est d'être en avance par rapport à d'autres communes du secteur grâce à nos infrastuctures ( écoles , périscolaire, restauration scolaire, halle des sports, pharmacie, docteurs, infirmières,moyenne surface alimentaire et j'en passe...).

Il faut donc être confiant sur notre avenir, car même sur le compte-rendu des comptes de notre commune par un cabinet d'expert requis par la Communauté de communes du Pays de Bray , beaucoup ont dû reconnaître que nous avions une gestion saine et que le niveau d'endettement de notre commune était plus que raisonnable.

Maintenant il va falloir que nos concitoyens acceptent les règles et les taxes d'une Communauté de communes.
Il n'y a là rien de facile quand jusqu'à présent ils ne furent que plus que protégés, j'en conviens...et j'y ai largement oeuvré avec Monsieur Leduc et Monsieur Grousset depuis 1982.

Il faut arrêter toutes les spéculations et voir un avenir qui doit passer par notre ZAC de Frier qui va apporter un second souffle à notre commune après la fermeture de TMX.

Maintenant jevous laisse libre de faire des commentaires sur mes propos , c'est un avis....

Thierry Pinel

Merci, cher Monsieur, de cet avis dont je dois convenir qu'il est bien argumenté!

Il n'y a évidemment pas de solution "incontestable". Et, bien sûr, j'ai mis en avant le découpage fait par l'Eglise non pour lui confier le soin de nous départager - on lui demanderait qu'elle nous renverrait saint Jean ch.18 v.36 (Mon royaume n'est pas de ce monde) - mais pour montrer comment elle avait, dans sa sagesse, géré des contraintes similaires. J'aurais aussi pu citer l'Académie qui, quant à elle... vous rattache à Gisors!

Quant au mécréant, qui sans doute s'est reconnu, ce n'est pas le Préfet, avec qui j'ai correspondu sans que l'échange ne portât sur des considérations métaphysiques, rassurez-vous. Je reviendrai incessamment sur cet échange. Heureux en tout cas d'apprendre de vous que le Préfet décide seul.

Encore plus heureux d'apprendre que le sujet est désormais sur toutes les langues.

Comme vous je souhaite ardemment que notre commune, estomaquée par l'arrêt d'une activité industrielle plus que centenaire, trouve un nouveau souffle. Le commerce peut y contribuer, mais il n'y suffira pas. Une vie démocratique animée est une chose également indispensable.

JF

3. Le jeudi, novembre 15 2012, 09:25 par Patrick Thibaut

Bonjour a tous,

Il ne faut pas perdre de vue que les Communautés de communes ont été créées pour faire faire des économies d’échelles aux petites communes . En entrant dans la CCPB nos dirigeants devront rester vigilants à ce que cette structure ne nous coûte pas plus cher (voire moins cher) que lorsque nous étions seuls ! Et donc nos impôts locaux ne doivent en aucun cas globalement augmenter !

Pour la zone de Frier, penser qu’elle va compenser le licenciement de plus de 400 ouvriers de TMX depuis 10 ans me parait impossible ! Pour l’instant il reste à payer l’addition des 3.5 millions d'euros qu'elle a coûté.

Salutations
Patrick Thibaut

4. Le jeudi, novembre 15 2012, 21:59 par Jacques Favier

Je réagis à l'interview de Madame Lefèbvre dans l'Oise Hebdo d'hier.

Nadège Lefebvre dans l'OH du 14 novembre 2012

L'intégration de Sérifontaine n'a pas vocation à changer les habitudes dit-elle. Les siennes, sans doute pas. Les mauvaises non plus.

Qu'on en juge:
Le mépris. Appeler les opposants les personnes. De Gaulle disait l'individu. Mais enfin, il avait sauvé la France, lui!

L'embrouille. La loi du 16 décembre 2010 ne visait pas spécifiquement Sérifonaine et le Bray. Il y a bien eu un choix!

L'entre-soi. Sérifontaine a été partie prenante... Sérifontaine a choisi. Qui a décidé à Sérifontaine? Tout le monde y dit, et publiquement encore, que c'est le Préfet qui décide, qu'on n'a pas le choix. Les journalistes témoins des Conseils Municipaux voient que c'est la résignation qui domine. Arrêtons de dire Sérifontaine ou la Communauté pour parler de deux ou trois élus réunis dans un bureau de fonctionnaire. Louis XIV aurait dit L'Etat , c'est Moi. Mais il était le Grand Roi, lui!

Le comique de situation: la CCPB ramasse nos ordures. jusque là on n'en parlait pas. Maintenant on paye pour le savoir.

La connivence. Je signale au passage que cette commission est composée de toutes les sensibilités politiques. Et alors? Cela les rend compétents?

Comme Madame Lefèbvre j'en arrête là mais la liste n'est pas exhaustive.

Venons en au fait. Le territoire de la Communauté de Communes du Pays de Bray est un territoire rural ( cela n'a échappé à personne) et Sérifontaine reste malgré tout une commune rurale, ce n'est pas une ville. Pour quelqu'un qui ne veut pas changer les choses, la Présidente ne se gêne pas pour en disposer à sa guise.

Il est clair (voir mon billet précédent Sur leur 31) que Sérifontaine se marrie à la campagne. C'est effectivement ce qui ressort du SCOT. Et pourquoi pas, si cela convient à la majorité. Mais Madame Lefèbvre représente-t-elle la majorité? de qui?

Quant à l'absence de toute discussion pour une adhésion à la Communauté du Vexin-Thelle (je reviendrai prochainement sur celle-ci), cela ne manque pas de sel: une telle discussion n'aurait pas lieu d'être au sein des instances de la CCPB, et si elle avait été discutée au Conseil Municipal de Sérifontaine, je ne sache pas que la Présidente y siège. Et qu'elle n'aie jamais eu lieu n'expliquerait pas pourquoi elle n'a jamais eu lieu. Cela n'arrangeait pas? Qui? ceux qui ont des sensibilités politiques?

Tout ceci donne de la politique une image de spectacle un peu comique. Consciemment ou pas, cela a dû influencer le titreur de l'Oise Hebdo. Regardez bien sur l'extrait que j'ai attaché le titre de l'article suivant. Cela produit un effet comique, non?

Jacques Favier

5. Le vendredi, novembre 16 2012, 16:38 par Isabelle Auger

Bonjour à tous,

En effet, très drôle le titre de l'article sur le gala de catch avec le débat sur la communauté de communes. Le combat continu aussi sur l'avenir de l'incinérateur, (cf. le Courrier picard d'aujourd'hui).
C'est sûr il va y avoir du sport!!!
Nous devons être des joueurs de haut niveau (financièrement) car visiblement on nous attend avec impatience.
Le prix du billet d'entrée semble excessif pour un spectacle plutôt médiocre, et qui risque vite de nous donner des regrets.

Isabelle Auger

Le feuilleton des ordures montre en tout cas que Sérifontaine est un "swing state" picard!

JF

6. Le samedi, novembre 17 2012, 16:13 par Thierry Pinel

Affaire à suivre , mais je rappelle que nous avons eu au démarrage le ramassage des ordures ménagères avec Vexin Thelle et Madame Renoult .
Nous avons dû après basculer avec la CCPB, SANS AUCUN CHOIX !!!!

Les lieux de décharges n'étaient plus les mêmes et n'ayant plus le droit d'enfouir comme nous le faisions avant au lieudit le Marais, NOUS ETIONS DEJA SOUS UNE EMPRISE DE COMMUNAUTE DE COMMUNES....

7. Le dimanche, novembre 18 2012, 21:42 par Jacques Favier

Je réponds à Monsieur Pinel et le remercie tant pour ses éclaircissements que pour sa volonté de dialogue.

Ce qui me semble comique, à la longue, à chaque fois que l'on parle de la Communauté de communes, c'est l'argument des ordures. L'HUMAIN D'ABORD, non?

Quand bien même ce serait commode que la ComCom se charge de nos ordures, et elle fait sans doute cela très bien, cela ne crée pas de communauté en tre nous et ne lie pas nos destins. Les pompiers de Gisors éteignent bien nos incendies, je n'en tire pas argument en sens inverse.

Et quand on finit de traiter le problème en termes de tonnes de déchets, on le traite en termes d'hectares. Vous pouvez lire mon billet n°11 sur le concept de "frontière naturelle" employé par Monsieur le Préfet. Il en a un autre, tiré de la géographie: le territoire  de Sérifontaine ferait un "saillant" dans celui de la ComCom. Mais c'est faire avec les territoires comme avec des pièces de jeux en bois pour gosse. Car le "saillant" de Sérifontaine vers le Bray est ... vide d'hommes. C'est la forêt.  Les Hommes sont sur l'Epte, sur la D915. 

Donc on peut me dire tout ce qu'on veut sur les ordures ou les cochons sauvages dans la forêt, ce sont aux citoyens de s'exprimer. Si une majorité d'entre eux adhèrent par un choix libre et éclairé au pays de Bray, ce sera une chose actée. Jusque là c'est du mecano.

8. Le jeudi, novembre 29 2012, 21:22 par Jacques Favier

Je publie ici la réaction d'Anthony AUger, parue mercredi 28 novembre 2012 dans l'OIse Hebdo, à l'inteview de Madmae Nadège Lefèvre (voir commentaire n°4 ci-dessus) 15 jours plus tôt dans le même journal, que je remercie de relayer nos débats.

La réponse d'Anthony Auger à Madame Lefèbvre 

Je ne peux qu'approuver.
JF