39-45 : "jeu de rôles" ou histoire vivante?

A l'occasion des journées du 22 et 23 juin 2013, il m'a paru utile d'ouvrir sur ce site une page consacrée au souvenir de la Guerre de 39-45.
J'ai aussi consacré une catégorie de billets à Sérifontaine dans les guerres.

comme si vous y étiez

Il s'agit d'une initiative de la Municipalité, qui doit beaucoup pour rendre à César ce qui est à César, au "grognard" Bernard Bouffart, grand passeur de mémoire des combats de la France. Cette initiative veut aller au delà de la reconstitution qui avait eu lieu il y a trois ans et dont des photos servent d'illustration à cette page. La manifestation de 2013 comporte une visée culturelle qui mérité qu'on en débate.

défilé 1

défilé 2

Au delà d'un spectacle qui se veut pédagogique, peut-on aller plus loin et tenter de dire "ce qui s'est vraiment passé" à Sérifontaine durant ces années de guerre?

Ce serait très difficle. D'abord parce que la mémoire de chaque famille (mémoire fragmentaire, déjà traditionnelle, parfois enjolivée ou tamisée) entre en conflit avec une histoire officielle qui a tant changé en 50 ans ! Ensuite parce que ce qui se passe dans chaque commune n'est pas une réduction à l'échelle de ce qui se passe au niveau d'un pays tout entier. Comme pour certains tableaux : quand on s'en approche, on perd le motif principal, on ne distingue que des taches de couleur, qui forment des motifs souvent bien différents!

A dire vrai, la politique semble s'être retirée de Sérifontaine dans ces années-là. Depuis 1936, Pierre-Eugène Boyer n'est plus maire. Quant à sa soeur, la Générale Pallu, son activité politique - essentiellement journalistique, mais qui lui vaudra d'être condamnée à la Libération - a lieu à Paris et à Trie-Château.

Quand on lit les procès-verbaux du Conseil Municipal, on entend bien les échos de la guerre (aides aux familles de soldats ou de prisonniers, mesures imposées par les Allemands) , mais la vie continue : l'adduction d'eau dans les hameaux est un problème autrement sérieux que la révolution nationale du Maréchal !

L'usine, proprement pillée en 1940, puis réquisitionnée, vidée de 5.000 tonnes de stock ne reprend vie que peu à peu, au service de l'armemement allemand. Pourtant elle ne sera pas bombardée avant la Libération. Mais cela limitera le nombre de victimes du STO, même s'il y en eut, comme des volontaires d'ailleurs.

On voit peu l’occupant. Un capitaine et quelques dizaines d’homes s’installent un temps dans l’ancien château, chez le Général Pallu. A cheval. Ils n’y restent que quelques mois, et les Pallu récupèrent leur château, à la différence du comte de Fry dont le Saussart reste occupé. Les Allemands réquisitionnent tardivement l’ancienne usine Kriegelstein, que Jacques Muller venait d'acheter et où les « Chantiers de Jeunesse » du Maréchal s’étaient un temps établis.

Il y a bien un peu de marché noir. Il y a des actes de résistance aussi. A Sérifontaine le gros de la résistance sert dans le réseau de Gisors. M. Rigollot, l’épicier installé juste en face de la Mairie passait pour le chef de la résistance mais ne contrôlait sans doute qu’un petit noyau de sept ou huit personnes ; son épouse, institutrice, cacha des aviateurs, mais pas les deux rescapés du 8 juillet 1944 qui ignoraient son existence.

Aujourd'hui, le principal souvenir dans la mémoire de Sérifontaine au sujet des actes de résistance reste le nom donné à la rue Alexandre Barbier pour entretenir la mémoire de ce fermier du Champ-Mauger, membre du réseau Darling dont on lira ici l'histoire.

Alexandre Barbier

Je vous propose aussi un récit de la Libération de Sérifontaine. Il n'a pas la prétention d'ête complet et toutes les précisions ou informations complémentaires seront les bienvenues! Et enfin quelques éléments sur ce qui s'est passé après la guerre : là non plus, je ne prétends ni à l'exhaustivité ni à la certitude, j'essaye seulement d'éviter les mythologies...

Revenons en 2013 : les journées des 22 et 23 juin seront-elles des jours de spectacle? de kermesse? ou de commémoration?

Il faut féliciter la Municipalité de se soucier du devoir de mémoire. Je n'y suis pas insensible. Pour ma part, ma contribution aura été d'arranger la visite d'une partie de la famille Hordley, et de raconter (voir le billet 19 sur la page principale du site) comment j'avais retrouvé sa trace en 2010.

Pourtant quelques voix se font entendre pour regretter une présentation très militaire de la chose. On peut aussi se demander s'il était bien nécessaire d'installer au milieu du camp un stand de recrutement de la Gendarmerie au risque de brouiller le message.

signes de guerre

D'autres craignent un "jeu de rôles" susceptible de blesser, ou de provoquer des dérapages. Rappeler l'existence des contrôles de police, par exemple, est une chose : qui visaient-ils? pourquoi? avec quelles complicités? en suscitant quelles résistances? En organiser de parodiques pourrait être de mauvais goût.

On ne remue pas sans grande précaution les cendres du passé.

terrain miné?


APRÈS LA BATAILLE

LE CHATEAU EN LIGNE DE MIRE

Malgré une météo plus que maussade, les journées des 22 et 23 juin 2013 ont rempli la fonction assignée: commémoration, leçon d'histoire et promenade familiale. Une excellente initiative, à l'exposition de la Salle des Fêtes: avoir rappelé le Programmes des "jours heureux", celui du Conseil National de la Résistance, que certains aujourd'hui s'emploient hélas à détruire pierre par pierre.

L'éclaireur du 26 juin 2013

Publié le mardi, juin 25 2013 par Jacques Favier

Commentaires

1. Le jeudi, juin 13 2013, 16:30 par Bernard Bouffart

J'aime beaucoup l'esprit critique, caustique mais aussi souvent humoristique de ces billets toujours bien documentés et qui interpellent.

Personnellement je réponds à deux interrogations qui pourraient inquiéter certains de nos concitoyens. Concernant le caractère festif (plutôt que kermesse) de notre manifestation, c'est vrai que nous avons souhaité conjuguer souvenirs avec plaisirs, car notre objectif est d'attirer le chaland en grand nombre pour ensuite essayer de le retenir et de le documenter sur cette période de notre histoire. Nous avons fait appel à des reconstituteurs sérieux qui connaissent parfaitement le parcours et l'histoire des unités qu'ils représentent et qui ont le goût de faire partager leur savoir. Ils peuvent ainsi contribuer à répondre à des questions trop souvent restées sans réponses du type : pourquoi le 11 novembre ou le 8 mai sont-ils des jours fêriés ? Il va être présenté au public des véhicules et des matériels d'époque chargés d'histoire . C'est donc à la fois un musée et une leçon d'histoire vivante qui sont proposés et non pas une manifestation de revanchards comme je l'ai entendu.

Quant à la présence des gendarmes ce sont avant tout des militaires et qui ont donc naturellement leur place au sein de la manifestation comme d'ailleurs les anciens combattants et toute autre personnalité comme le colonel René Mourot président des officiers de réserve pour la Haute-Normandie qui m'a fait l'honneur d'accepter notre invitation. J'ajoute que le stand d'information de la gendarmerie est à mes yeux un plus pour celles et ceux qui sont à la recherche d'un emploi, car il donne accès à un éventail assez large de formations qui n'aboutissent pas toutes au répréssif mais offrent surtout des perpectives quant aux déroulement de carrière et de la sécurité d'emploi.

N'en déplaisent à certains esprits chagrins pour eux aussi je suis content qu'ils aient accepté notre invitation. Enfin, si les conditions climatiques nous sont favorables , je pense qu'il n'y aura de déçus que ceux qui n'auront pas assisté, quelques soient leurs raisons, à cette bataille contre l'oubli !

Bernard Bouffart

Merci cher Monsieur de ce commentaire bienveillant! Comprenez que la présence des gendarmes puisse faire sourciller (disons qu'aujourd'hui on peut parfois les percevoir comme des percepteurs autant et plus que comme des soldats: eux-mêmes le savent bien et les plus lucides d'entre eux s'en désolent sans trop se cacher). Pour le reste, rassurez-vous, d'ores-et-déjà il semble acquis que ces journées de commémoration dans lesquelles vous vous êtes tant investi seront mises à profit pour entretenir les mémoires diverses qui tissent la toile de notre mémoire collective.

JF

 

L'Oise Hebdo du 12 juin 2013

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